Des nouvelles… du Théâtre des Salins
S’inquiétant légitimement de voir la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » remplacée sur nos frontons par « Métro, Boulot, Dodo », Gilles Bouckaert, directeur de la Scène nationale de Martigues, fait le point avec nous sur cette année largement amputée par la crise sanitaire, réaffirmant le caractère essentiel de la culture « pour préparer le monde de demain, n’en déplaise à certains. »
À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ?
Le milieu culturel est en perpétuelle effervescence. Nous devons à la fois gérer le présent, mais aussi se projeter dans l’avenir pour imaginer les saisons suivantes. Il y a bien sûr les spectacles eux-mêmes que nous devons organiser, mais aussi toute cette face cachée qu’est l’action culturelle et les liens que nous entretenons avec l’ensemble des partenaires. La crise n’a pas mis un stop à nos activités, mais un frein, et les a rendues plus complexes.
Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?
Passé un premier temps de sidération et d’organisation, la solidarité s’est très vite mise en place. Le public, les artistes, l’équipe du théâtre, les collectivités ont répondu présents pour nous soutenir psychologiquement et financièrement. Ce soutien nous a permis de traverser cette crise de façon plus sereine, même si ce mot ne correspond pas tout à fait à l’état dans lequel nous nous trouvons.
Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ?
Il a fallu obligatoirement se réorganiser et se réinventer pour affronter cette crise, mais c’est ce que nous faisons tous les jours dans nos métiers. Par contre, notre énergie est dépensée essentiellement pour gérer le quotidien, difficile aujourd’hui d’imaginer l’avenir. D’autant plus que je ne pense pas que ce soit dans un moment de crise que l’on construit le monde de demain, les séquelles risqueraient de perdurer.
Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ?
La culture est affichée par l’État comme une chose de non essentielle, comme d’autres secteurs d’activités. Ce terme est dangereux ! Qui peut décider de ce qui est essentiel pour chacun ? Ce discours risque à terme d’évincer tout un travail de terrain que nous menons pour rendre notre société plus humaine.
Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif, qu’il soit personnel, organisationnel ou communautaire, à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ?
Non, aucun ! Nous devons vivre cette crise. Participer comme nous le pouvons à la lutte contre l’épidémie. Mais je ne vois absolument aucun aspect positif, et nous avons envie, comme tout le monde je pense, d’en sortir le plus vite possible.
Quel est votre sentiment à l’entrée de ce deuxième confinement strict ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Nous pensions après le premier confinement que, peut-être, nous allions pouvoir reprendre une vie normale. Nous avons mis beaucoup d’espoir dans la construction de la saison 20/21. Ce deuxième confinement nous a fait comprendre que nous avions rêvé, mais c’est cet espoir qui nous a fait tenir. Aujourd’hui, nous savons que nous n’avons pas de date de sortie, et c’est donc encore plus compliqué de construire l’avenir. Nous devons pourtant anticiper, ce qui est l’essence même de notre travail.
Avez-vous mis en place des mesures spéciales pour garder le lien avec vos spectateurs pendant ce reconfinement ?
Oui, nous nous perfectionnons dans les réseaux sociaux, nous imaginons de nouvelles formes pour rester en contact avec le public. Toutefois, nous attendons avec impatience de pouvoir se retrouver en vrai ! La convivialité, la rencontre, l’échange doit rester le cœur de travail.
Propos recueillis par la rédaction
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