Des nouvelles… du Théâtre Massalia

Dans un quotidien désormais gouverné par l’incertitude, nous donnons la parole aux forces vives de la culture, touchées de plein fouet par la crise sanitaire.

Directrice du Théâtre Massalia, Émilie Robert fait le point avec nous sur cette crise qui aura durement touché le milieu culturel et artistique, mais aussi le jeune public, au cœur de son projet.

 

 

À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ? 

À une année de transition, après les départs à la retraite de deux figures de l’histoire du théâtre, Jany Cianferani et Graziella Végis, puis deux embauches. L’année était dévolue à une restructuration de l’équipe donc et à un temps de réflexion sur le projet. L’activité publique, elle, aurait été assez usuelle : accueil de résidences et coproductions, programmation de spectacles, festival En Ribambelle ! (arrêté en plein élan au deuxième confinement), actions artistiques et culturelles en établissements scolaires, structures sociales, avec des familles ou des jeunes…

 

 

Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?

Nous avons trouvé des soutiens financiers auprès de la plupart des partenaires publics : la Ville et la Région ont très vite annoncé des subventions maintenues, l’État et le Département ont finalement fait de même. Seule la Métropole a refusé son soutien au dernier moment au festival En Ribambelle !. Il y a eu aussi les exonérations de charges sociales au printemps qui ont compensé les pertes liées à l’arrêt de l’activité.
Par ailleurs, nous avons trouvé des soutiens dans les différents réseaux dont nous sommes membres, en particulier Traverses, le rassemblement des scènes pluridisciplinaires de la région, et Scènes d’enfance-ASSITEJ France, qui fédère les professionnels du jeune public (artistes, auteurs, structures…). Les échanges y ont été féconds et bienfaisants.
Mais nous avons aussi trouvé des soutiens en nous-mêmes. L’engagement et la compétence de l’équipe du Théâtre Massalia sont déjà de belles ressources.

 

 

Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ? 

Nous avons dû nous réorganiser tout de suite pour faire face aux consignes sanitaires de la rentrée qui amenaient à accueillir un volume limité de public et à mettre en place des dispositions nouvelles. Nous avons aussi anticipé les annulations éventuelles de spectacles en dialoguant avec les équipes artistiques et inventé quelques actions spécifiques au moment de l’été et du retour des actions artistiques. On ne peut pas parler de répit…

 

 

Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ? 

L’État a mis un certain nombre de dispositifs en place pour le secteur culturel et les ministres de la Culture ont porté beaucoup d’entre eux. Mais c’est tout de même la considération qui a manqué, à trois endroits. D’abord les dispositifs spécifiques sont arrivés tardivement, ensuite peu ont pris en compte directement les équipes artistiques, pourtant le maillon le plus fragile, et enfin, la culture a été trop absente des discours et des réflexions.

Peut-on réduire l’humain à ses nécessités alimentaires et de logement, mettre le travail en première ligne et la culture au tréfonds des enjeux sociétaux ? La santé de l’individu passe aussi par le bien-être social et la fréquentation de l’art (livres, films, spectacles…), l’émancipation, l’échappatoire que celui-ci propose, notamment en période de crise.

 

 

Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif, qu’il soit personnel, organisationnel ou communautaire, à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ? 

Oui, « à quelque chose, malheur est bon », comme dit l’adage. Cette crise questionne nos modalités de travail, en particulier notre rapport au temps dans l’élaboration des projets, de plus en plus tendu depuis quelques années, et la solidarité professionnelle. C’est sain.

 

 

Quel est votre sentiment par rapport à ce deuxième confinement ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

Un sentiment de frustration, de manque de considération de la place de l’art dans la société et la vie des individus, mais d’une meilleure prise en compte, en revanche, des besoins des enfants et des jeunes toutefois puisque les établissements scolaires sont ouverts et certaines actions artistiques possibles dans les écoles.

Pour cette fois, nous allons à nouveau trouver des solutions, puisque notre budget 2020 est connu. La plupart des spectacles seront reportés et tant mieux. Mais la saison 2021/2022 sera difficile à construire : comment arbitrer entre les reports, les créations 2020, celles de l’année 2019 qui n’auront pas pu être vues à l’automne et celles qui auront dues être reportées d’une année ? Il y aura à faire des choix cornéliens…

Mais la plus grande inquiétude concerne le prochain semestre, si un nouveau suspens de l’activité artistique avait lieu. D’une part, nous ne pourrons reporter indéfiniment les spectacles, sans quoi d’autres engagements pour 2021/2022 ne pourront être respectés. Par ailleurs, nous savons aussi que les financeurs publics ne pourront peut-être pas être aussi généreux qu’en 2020.

 

 

Avez-vous mis en place des mesures spéciales pour garder le lien avec vos spectateurs pendant ce reconfinement ?

Nous avons décidé d’en faire moins que précédemment. Nos jeunes spectatrices et spectateurs sont à l’école une partie de la semaine et ne souffrent pas des mêmes isolement, désœuvrement et fragilité éducative qu’au premier confinement. Nous avons même plusieurs ateliers de pratique artistique encore possibles.

Alors nous avons résolu d’avoir un rapport plus mesuré avec la vie numérique et surtout de porter un propos personnel (la vie du théâtre Massalia pendant le confinement) et politique (la vie du secteur culturel et jeune public) principalement.

Nous profitons du temps (un peu) disponible pour mener un chantier de réflexion globale sur nos actions et leurs nécessaires évolutions, à l’aune de celles de la société notamment. C’est salutaire et c’est une tentative de vivre positivement cette période, bien morose sinon.

 

Propos recueillis par la rédaction

 

Pour en (sa)voir plus : https://www.theatremassalia.com