Des temps et des vents - (Turquie - 1h47) de Reha Erdem avec Ozkan Oyen, Elit Iscan, Ali Bey Kayali…

Des temps et des vents – (Turquie – 1h47) de Reha Erdem avec Ozkan Oyen, Elit Iscan, Ali Bey Kayali…

Grandeur nature

Cine-Des-temps-et-des-vents.jpgUn village adossé à la mer, des collines verdoyantes, du vent, de la pluie et du soleil… Les ingrédients de ce film turc semblant devoir plus à mère Nature qu’à l’humain, on pouvait craindre que l’auteur ne tombe dans le piège esthétisant qui a vu nombre de réalisateurs privilégier le beau sur le sens. Réticence balayée dès les premières images : nous est ici contée une histoire. Si cette jolie symphonie pastorale paraît réglée par les saisons et les traditions, notre regard n’est pas que contemplatif ; il épouse aussi les désirs et les frustrations de trois adolescents. Omer désire la mort de son père, Yakub est amoureux de la maîtresse d’école, tandis que Yildiz, écolière, doit aussi effectuer les travaux ménagers. Au carcan familial et religieux, qui se traduit à l’écran par des plans fixes à hauteur d’enfants (merci Ozu !), s’oppose la découverte de la liberté et de la sexualité par les personnages lors de leurs escapades — filmées en plan-séquence et caméra à l’épaule — dans la verdure alentour. Nul doute, Reha Erdem maîtrise parfaitement son récit et le langage cinématographique. Son film est habilement ponctué par de magnifiques plans — souvent abstraits — du soleil, de la lune ou du bruissement du vent dans les feuillages. Ici, la nature n’est pas un décorum, c’est un personnage essentiel. Que dire aussi de ces images — belles et inquiétantes — où l’on voit tour à tour chaque adolescent allongé dans la nature, comme mort, et enseveli par des feuilles ou de la terre ? Lassés par le « tout psychologique », on ne peut que louer un film qui privilégie l’évocation à l’explication, la poésie à la rationalité. On pense souvent à Bruno Dumont et Arnaud Des Pallières pour cette économie de mots et cette foi inébranlable en la force évocatrice des images. Dépouillé mais jamais austère, le film s’achève superbement : la silhouette de l’adolescent finit par se confondre avec les contours du rocher sur lequel il est assis. Le personnage s’inscrit définitivement dans la nature. En une image, nous avons le fond et la forme. Tout est dit.

nas/im