Dominique Castell, El jardin del amor à la Tangente
La fille aux allumettes
Les quatre de la Tangente (1) inaugurent un nouveau cycle de programmation, avec l’installation de Dominique Castell, El jardin del amor, que certains avaient découverte au château d’Avignon cet été, mais que tous sont heureux de revoir dans le petit white cube des Puces cet automne.
Avant la musique, avant les corps et avant la danse, les paysages de Dominique Castell étaient comme des extraits de ceux de la peinture hollandaise du XVIIe, précis, fournis, documentés. Un réalisme auquel l’allumette n’accorde pourtant aucune réalité… Comme si celle-ci (la réalité) se consumait sous nos yeux : l’image se rougit sous le soufre de l’outil, comme elle s’empourprerait à la chaleur de la flamme.
L’installation El jardin del amor est, dans son processus de création, d’abord passée par le dessin, puis par le film pour revenir se projeter sur une immense feuille de papier Canson sur laquelle un paysage privé de toute figure humaine se voit devenir le théâtre sans acteur rêvé par Maeterlinck… Les feuillages pourpres d’El jardin del amor, comme les broussailles incandescentes des Paysages braises 2009, une autre série de Dominique Castell, sont les lieux d’une « scénographie de l’absence ». C’est ailleurs que la saynète se joue, en dehors du dessin : dans le dessin animé. Comme Woody Allen dans La rose pourpre du Caire, fuyant son film noir et blanc pour rejoindre Mia Farrow dans les couleurs du réel, le lapin déroule ici l’histoire hors de son dessin d’origine, échappant ainsi à sa condition pétrifiée en s’animant.
Les dessins pyrogènes de Dominique Castell, exécutés du bout de soufre d’allumettes, confèrent à son œuvre une monochromie pourpre qui évoque aussi bien l’embrasement des cœurs dans le sentiment amoureux, voire passionnel, que les champs sémantiques du feu et de la flamme non sans rapport, ici aussi, avec les métaphores des feux de l’amour. Il en va de même pour le tango dansé par les deux lapins d’El jardin del amor, qui peut être lu comme la métaphore du couple : une chorégraphie d’improvisation où les deux partenaires marchent ensemble vers une direction impromptue à chaque instant. Mais la figure du loup qui vient poindre dans le film préfigure peut-être que « le tango est une pensée triste qui se danse » (Enrique Santos Discépolo).
Céline Ghislery
Dominique Castell – El jardin del amor : jusqu’au 16/10 à la Tangente (Marché aux Puces, hall des antiquaires, 130 chemin de la Madrague-ville, 15e). Rens. 04 91 08 57 91 / http://latangente.over-blog.com
Notes- Nicolas Gilly, Laurent Le Forban, Marijo Foehrlé et Koki Watanabe[↩]