Dominique Furgé – Monsters à la galerieofmarseille

Le grand détournement

Pour l’exposition Monsters, Dominique Furgé cherche à briser la valeur ontologique du cinéma, et plus encore de la vidéo et de la photo, par une exploration des tensions qui traversent à la fois l’image et le langage.

Présenté sous forme d’installation, Monsters est un film en cinq actes courts qui rejouent des scènes extraites de cinq classiques du cinéma, en déjouant la dimension référentielle des images et la continuité spatio-temporelle de la narration. En effet, les images originelles, filmées de nuit et en gros plan, se détachent de leur mode de fonctionnement représentationnel pour prendre un aspect spectral. Les déplacements sont lents et fluides, les formes évoluent dans un univers lumineux plus que coloré. Parallèlement, à la dimension abstraite de ces images s’articule une dimension narrative : à défaut d’être audibles, les dialogues sont visibles par la présence des sous-titres, une histoire se joue sous nos yeux sans pour autant être perceptible. La mise en relation des images, du son et du texte crée un mélange hétérogène. S’agit-il alors de rechercher ce que le discours nous dit dans les images ou de se libérer du discours par le mouvement des images ? La succession des actes sur des murs différents de la galerie favorise l’immersion du spectateur, saisi par une atmosphère et non pas sollicité à ressaisir l’expérience visuelle et auditive dans le mouvement du langage et de la parole. C’est cet aspect-là qui semble être proposé par les photographies, articulant elles aussi images quasi abstraites et discours construit. Cette articulation prend la forme d’une tension irréductible entre les mots et les images, entre la puissance de référence du langage et sa mise en suspens par les images qui semblent ne renvoyer qu’à elles-mêmes. L’exploration de la dimension narrative d’images abstraites est marquée par la volonté de mettre en œuvre une histoire qui ne confère ni ne détermine le sens des images, mais qui interroge leur sens et leur mode de signification, en montrant ainsi la tension entre l’ouverture de sens instituée par le langage et notre tendance à enfermer tout sens — fut-il visuel — dans une signification verbale.

Elodie Guida

Dominique Furgé – Monsters : jusqu’au 21/02 à la galerieofmarseille (8 rue du Chevalier Roze, 2e). Rens. 04 91 90 07 98 / www.galerieofmarseille.com