Douze à la Quinzaine

Douze à la Quinzaine

Sur une proposition du Conseil Régional, l’Alhambra crée l’événement en accueillant douze films issus de la cuvée 2006 de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Une occasion peut-être unique de belles découvertes, au sein d’un vivier qui vit naître les plus grands cinéastes contemporains. Point d’orgue d’une année particulièrement riche, cette reprise demeure quelque peu à l’image de la salle marseillaise, hors normes par sa diversité et sa richesse.

Sur une proposition du Conseil Régional, l’Alhambra crée l’événement en accueillant douze films issus de la cuvée 2006 de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Une occasion peut-être unique de belles découvertes, au sein d’un vivier qui vit naître les plus grands cinéastes contemporains. Point d’orgue d’une année particulièrement riche, cette reprise demeure quelque peu à l’image de la salle marseillaise, hors normes par sa diversité et sa richesse.

Si, dixit Godard ou Moullet, le travelling est affaire de morale, la programmation, elle, est affaire d’engagement citoyen. La reprise, à l’Alhambra, de certains films inédits de la quinzaine des réalisateurs de Cannes 2006, outre son aspect fort sympathique, est un révélateur assez intéressant de l’état du paysage chaotique de la distribution cinématographique hexagonale. Comme le rappelle William Benedetto, programmateur et directeur adjoint de la salle estaquoise, « c’est le genre de manifestation qui revient à poser la question de la salle de cinéma labellisée art et essai, et sa crise réelle au sein de la situation actuelle. » Car de prime abord, une question se pose, d’apparence anodine : pourquoi les festivals se sentent-ils obligés, depuis quelques années, de délocaliser une partie de leur programmation aux quatre vents des salles françaises ? Voire de faire circuler clé en main un festival de ville en ville (les Très Courts, par exemple), jusqu’à oublier la substantifique moelle d’une fête construite sur son aspect unique ? Simple évolution des règles ou diktat d’un marché désormais construit sur le seul amortissement ? L’intéressé de répondre : « On fait tourner ainsi des films qui semblent n’être créés que pour les festivals, qui ne trouvent pas de distributeurs, ou pire, pas de salles pour les programmer. Certains des films que nous avons choisis pour cette manifestation ne trouveraient malgré leurs qualités aucun écho du public s’ils ne passaient pas au sein de cette labellisation Quinzaine des Réalisateurs. C’est triste. » Car la diffusion en salles du cinéma d’auteur est bel et bien menacée, lentement enterrée par ses acteurs d’une part, qui ont fini par oublier leur rôle de passeur, et par son public d’autre part, de moins en moins exigeant. Exit cette curiosité affamée qui nous confinait dans la salle obscure à la recherche du Jean Vigo de demain. Quitte à nous planter et nous emmerder copieusement — c’est le jeu. A présent, pour les cinéphiles, il faut du lourd, du dur, du sûr, du qui fait exploser Ulysse, l’affreux petit bonhomme de Télérama. Du gros art et essai qui tâche, qui fait qu’on en aura pour notre argent en sentiments convenus. Almodovar ou Loach, réalisateurs aujourd’hui exsangues, de s’en frotter les paluches. William rajoute : « C’est devenu de plus en plus dur pour les films et pour les salles : les programmateurs finissent par s’auto-censurer si un film n’est pas assez porteur. On l’a très bien vu pour Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés, qui n’avait qu’une pauvre copie en circulation, que tout le monde ou presque a refusé. Un exemple parmi tant d’autres. Le phénomène est global. Voilà de vrais débats qui n’ont pas lieu. Du coup, que signifie aujourd’hui le réseau art et essai en salles ? Plus grand-chose. Qu’est réellement devenu notre boulot, de plus en plus assumé par les festivals seuls ? » Cette analyse expliquerait, et ces colonnes s’en sont fait l’écho cette année, la (trop) formidable explosion de festivals qui semblent bien avoir fait vivre durant la saison, dans la cité phocéenne, en lieu et place des salles traditionnelles, toute la superbe diversité d’un art en perpétuel mouvement.

Emmanuel Vigne

Du 24 au 27 à l’Alhambra. Rens. 04 91 03 84 66 / www.alhambracine.com