Du haut de la colline, j’ai fait un rêve
La compagnie Coline forme les jeunes danseurs au contemporain en associant la création et le travail du répertoire avec des chorégraphes invités. Leur récent passage au studio Kelemenis, pour clôturer et fêter un cursus de deux ans, nous donne l’occasion de revenir sur la qualité et la densité de cette formation.
La compagnie Coline forme les jeunes danseurs au contemporain en associant la création et le travail du répertoire avec des chorégraphes invités. Leur récent passage au studio Kelemenis, pour clôturer et fêter un cursus de deux ans, nous donne l’occasion de revenir sur la qualité et la densité de cette formation.
Ils ont entre dix-huit et vingt-cinq ans, ils envisagent leur avenir par le langage du corps, lucides sur ce qui les attend et solidaires dans l’avancée du groupe. Ils ont passé deux ans à Istres pour suivre la formation de Coline dans les locaux de la Maison de la Danse. Certains ont des bases classiques, d’autres ont des idées originales dans la tête ; ensemble, ils tentent l’avenir par le hasard des chemins et la force d’un caractère. Ils ont rencontré Daniel Larrieu, Odile Duboc, Hervé Robbe, Yann Lheureux… Ils ont eu l’immense honneur de danser So Schnell de Dominique Bagouet. Chez Coline, la danse s’écrit ou se rejoue, le corps se découvre dans des déséquilibres, des assemblages, des arrêts en extension, en demi-pointe. Le danseur de Coline ne se reconnaît pas dans la rue, les pieds sont parallèles, le maniérisme est absent, le langage est contemporain et l’intonation sincère. On est loin des critères de Rosella Hightower, où il est avant tout question de tendre les genoux et de passer les pieds par la cinquième. On est proche du CNDC d’Angers, dans l’idée que la danse peut s’ouvrir à qui le désire et le veut vraiment. Une chance est donnée, on avance avec sa personnalité, on renie quelques idées pour mieux les retrouver plus tard. La discipline n’est pas quadrillée, elle est existentielle. Chacun vit son parcours avec ses forces et ses aveux. La danse contemporaine est un collage d’idées, d’histoires, de gens, mélangeant indéfiniment le tout dans le jeu de la fiction. Se vivre en tant que danseur, c’est croire à une histoire en devenir (la sienne). Pas de marche arrière possible, à moins de décrocher irrémédiablement. Certes, il y a du doute et on joue avec, mais le corps demande un entretien quotidien, il demande des situations mémorisées, des attitudes qui remontent dans la vitesse du réflexe, parce que la mémoire du corps est un exercice. Le danseur contemporain pratique-t-il un métier ? Tout dépend si l’on se place du côté de l’argent ou de ce que la danse nous fait vivre. Des voyages, beaucoup, des rencontres, des amours, le privé du danseur est un kaléïdoscope, fragmenté par le souvenir des lieux, de l’expérience et de l’attachement. Ce qui fait rêver le sédentaire est en fait une fragilité, un espace ouvert, d’où l’angoisse peut ressurgir. Il est donc clair que diriger une formation qui respecte l’identité du danseur et consolide cette fragilité ne consiste pas à des ordres, à dire : il faut ça ! Bernadette Tripier est responsable de l’enseignement pédagogique et des choix artistiques de Coline. Elle n’a pas le CV de Rosella Hightower, ni celui de Marie-Claude Pietragalla, mais elle sait parler à hauteur d’homme, sans différence d’âge ; elle porte le miroir, sa présence et son plaisir déterminent sa sincérité. La formation Coline, au-delà de son enseignement, est une expérience de la scène : au Théâtre de l’Olivier à Istres, sur la région et beaucoup plus loin avec les tournées. Mais ce qui se dégage avant tout, c’est cet attachement à la qualité de l’individu. En regardant la formation sous cet angle, il devient difficile de rendre des comptes à un conseil général, une Drac ou un ministère, parce que la France est patriarche (une forme d’autorité) et l’enseignement a souvent suivi les consignes d’un classeur. Il y a donc une nécessité d’entretenir des lieux où le dialogue est un aller-retour, où une création place le danseur au centre du problème en accentuant les différences, les dissonances, les écarts de physique. La danse contemporaine est un art au bord de l’implosion parce qu’elle pense dans un éclatement des idées. Elle s’engage par le refus, elle avance dans un dialogue avec l’illogique et l’illusion, la danse glisse dans les doigts et à force d’y croire, des fois, ça marche. Ils s’appellent Michaël Albrecht, Julien Andujar, Camille Astorg, Lydie Ballereau, Romain Bertet, Nicolas Chaigneau, Emilie Cornillot, Sonia Delbost-Henry, Maud Pizon, Sylvain Riejou, fernando Roldan et Anaïs Romeo. Demain, ils devront confirmer leur engagement artistique et leur choix de devenir danseur.
Texte et photo : Karim Grandi-Baupain
L’association Coline est subventionnée par le syndicat d’agglomération Ouest Provence, le Conseil général des Bouches-du-Rhône, le Conseil régional PACA et le Ministère de la Culture et de la Communication. Rens. 04 42 55 70 31