Mille cinquante euros par mois après vingt-cinq ans de boîte. C’est le maigre butin d’une caissière usée qui bosse à temps plein pour « Mammouth écrase les prix ». Pour celles qui peuvent aligner trente-cinq heures dans la semaine. Car dans la grande distribution, plus d’un tiers des « hôtesses de caisse » subissent un temps partiel et ne ramènent à la maison que de quoi atteindre le seuil de pauvreté. Et le tout dans des conditions de travail toujours plus pesantes. Du « vous avez la carte de fidélité ? » répété à l’infini au baril de lessive traîné sur le tapis roulant pour attendre le bip qui sonne en même temps que craquent les vertèbres, ces prolos du monde moderne se sont mobilisés vendredi dernier. Ces hommes et femmes sont parvenus à bloquer leurs usines à caddies pour que se portent sur eux notre regard et celui des médias. Pas assez longtemps. Pendant que notre Jérome Kerviel national alimentait les colonnes des journaux pour son braquage du siècle, les caissières nous rappelaient qu’à force de jouer avec les millions sur leurs ordinateurs, les financiers poussent les salaires dans le ravin. Car l’affaire de la Générale n’a pas fini de nous bluffer. Les montants que manipulent les golden boys chaque jour, chaque minute, chaque seconde sont colossaux. Et n’ont aucune prise avec la réalité. Sauf quand le système se dérègle et nous pète à la gueule. Quand la bourse dégringole et que Kerviel paume cinq milliards d’euros, ça nous fait rigoler. Et nous laisse un moment de satisfaction. Mais gare à l’atterrissage. Entre le gouffre des subprimes et la gaffe de Gégé, nous allons déguster. La prime du résultat, c’est que lorsque les traders se loupent, tout le monde chope le tournis. Le mal de tête de l’économie réelle, c’est-à-dire les emplois, les salaires et les prix, ne va pas se faire attendre. Et va fondre sur nos crânes. Moins de caissières, plus de smicards et plus de pâtes dans les assiettes, merci qui ? Ah c’est vrai, merci qui au fait ? Daniel Bouton, le pédégé de la Société Générale, pur fruit de l’Inspection générale des finances, ce grand corps d’Etat qui récupère chaque année les cinq meilleurs de la fraîche promotion de l’ENA pour les propulser à la tête du ministère de l’économie ou des grandes entreprises françaises ? Ce ne sont pas des cerveaux tels que Valery Giscard d’Estaing, Alain Juppé ou Jean Marie Messier que l’on peut accuser sans preuve. Leurs parcours parlent pour eux. Nicolas Sarkozy alors ? Non, trop facile, il vient d’arriver. Lui ne fera qu’encaisser les bénefs.
LP