Sévice public
C’est une affaire qui touche tout le monde, puisque tout le monde regarde la télé. C’est aussi une affaire qui nous interpelle, ici, à Ventilo, et il ne faut pas chercher bien longtemps pourquoi. Il y a un mois, le Président de la République annonçait en grande pompe, lors de sa première conférence de presse de l’année, une suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques (France Télévision) qui verraient de fait leur budget amputé de 30 %. Ce qui représente au final plus d’un milliard d’euros, si l’on inclue le budget alloué aux futurs programmes de substitution, parce que bien sûr, il va falloir combler le manque de pub par des « programmes qui échappent à des critères purement mercantiles, la vocation du service public étant d’offrir au plus grand nombre un accès à la culture, à la création française. » Merveilleux Nicolas. Vu « d’en bas », un homme qui s’intéresse à l’éducation de ses concitoyens, à cette culture de service public. Mais chaussons nos souliers à talons, histoire de prendre un peu de hauteur. Dans son « top amis », qui n’a rien de virtuel, Nicolas compte Martin Bouygues, Arnaud Lagardère ou Vincent Bolloré. C’est gros comme une maison à Saint-Trop’ : dans cette perspective, le premier, propriétaire de TF1 dont la valeur boursière est actuellement affectée, va remplir ses caisses en bénéficiant du report de la manne publicitaire ainsi dégagée. Quant aux seconds, qui souhaitent depuis longtemps investir dans le paysage audiovisuel français, ils auront l’honneur de « sauver » l’une ou l’autre des chaînes publiques poussée(s) à la privatisation. Ingénieux, n’est-il pas ? Le loup étant dans la bergerie pour encore un sacré bout de temps, venons-en à nos moutons. Il y a dans cette façon de procéder, très symptomatique de notre temps, quelque chose de totalement absurde. Quand un décideur sucre arbitrairement – il faut bien le dire – les budgets pub qui permettent à un média d’exercer librement son activité, qui plus est au profit de ceux qui l’ont toujours brossé dans le sens du poil, il se prive d’une légitimité durement acquise, au fil des ans, pour servir au mieux les intérêts de son public. Celui-ci n’est pas dupe : l’absence de publicité n’empêchera jamais un média de service public de faire son travail, un travail de qualité, en toute indépendance. Pour ce qui est, enfin, de l’argument culturel, chacun sait que l’on ne peut le brandir à la légère : encore faut-il savoir de quoi on parle…
PLX