Edito 220

Edito 220

edito%20RSF%202.jpg

Le palanquin des larmes

C’est officiel. La torche olympique a entamé le 24 mars sa longue course depuis la ville d’Olympie en Grèce. Dans un climat pour le moins tendu lié à l’ouverture des J.O. de 2008 — boycott or not boycott des jeux ? — trois membres de Reporters Sans Frontières ont déployé une banderole « Boycottez le pays qui piétine les droits de l’homme » pendant le discours officiel du représentant chinois. Difficile de faire l’impasse ces jours-ci sur la situation au Tibet, les manifestations des Tibétains, les révoltes écrasées dans la violence par la police chinoise. Pourquoi ? Comment ? Parce que des journalistes travaillent et relaient ces informations. Le cliché Rouletabille a la peau dure, le prestige lié au métier de journaliste persistant au-delà de la réalité. L’exercice de la fonction ne se résume évidemment pas à des déambulations exotiques reposantes, pas plus qu’à une prise de risques systématique. Mais tout de même. Le Tibet est interdit à la presse depuis le début des émeutes, les autorités chinoises restreignant méthodiquement l’accès aux journalistes étrangers, alors que depuis le 1er janvier 2007, en prévision des jeux, les journalistes pouvaient se déplacer librement en Chine. Routes barrées et cordons de policiers, sous prétexte « d’assurer la sécurité » sont désormais le lot quotidien des journalistes occidentaux en Chine. Une paranoïa orchestrée à la chinoise avec une mainmise sur tous les médias du pays et une restriction aux étrangers. Mais quid des autochtones ? La Chine rafle placidement la palme du nombre de journalistes emprisonnés, et le serveur You Tube est interdit et bloqué depuis le 15 mars par le gouvernement chinois. Une censure motivée par l’hébergement de plusieurs séquences témoignant de la violence de la répression à l’encontre des manifestants. Au classement mondial de la liberté de la presse par Reporters Sans Frontières, la Chine occupe la 163e place (sur 169). Et la prise de position de la France dans cette affaire est loin d’être limpide. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères ne se prononce pas en faveur du boycott des Jeux, c’est le moins qu’on puisse dire. Expliquant que « l’hostilité face à nos amis chinois ne sera pas payante », l’humanitaire en costume trois pièces condamne les violences, mais préconise le dialogue. Quant à Nicolas Sarkozy, après un silence inquiétant (qui ne lui ressemble pas), il appelle à la retenue et à la fin des violences au Tibet, se déclarant prêt à la reprise du dialogue dans un message au président chinois Hu Jintao (on imagine avec délectation un incisif « Casse-toi, pauv’c… », mais Nico n’est jamais là où on l’attend). Mais enfin, avancer que le travail de journaliste en Chine est un métier à risque n’est pas un scoop et la Chine, c’est loin, me direz-vous. Et ici, on peut dormir tranquille, ou pas ? Pas sûr. La France n’arrive qu’en 31e position au classement RSF. Pas de panique. Il doit y avoir quelque chose de bien à la télé, ça nous détendra. Tiens, pourquoi pas la cérémonie d’ouverture des Jeux ?

Bénédicte Jouve

Pour plus d’information : www.rsf.org