Edito 233

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Cellule de crise

Le fait divers anime toutes les discussions d’après-match. Santos « Libertad » Mirasierra est toujours détenu dans une prison madrilène après la charge policière contre les supporters marseillais dans la tribune du stade de l’Atletico Madrid. Pour décrocher une banderole déployée par les Ultras, les matraqueurs assermentés ont frappé tout ce qui bougeait. Plus costaud que le président de l’Handi-fan club de l’OM molesté, il a donné de sa personne pour repousser l’assaut en alliant le geste à la parole. Il en a fait les frais. Il risque aujourd’hui une peine démesurée de huit ans de prison dans les geôles espagnoles. Légitime indignation du petit monde du football et de la presse locale. Légitime mais somme toute disproportionnée. Cette histoire alimente depuis deux mois un feuilleton digne d’un scénario de Plus belle la vie. « Pauvre Santos, quelle injustice ! » s’écrierait Roland derrière son comptoir en carton pâte. Imaginons quelques dialogues que l’on aimerait voir s’échanger dans cette série populaire sur le service public :
– Si Santos doit se coltiner trois autres prisonniers dans sa basse fosse madrilène, il doit pas dormir sur ses deux oreilles !
– T’as raison, Roland, à voir l’état des prisons françaises, soi-disant cinquième puissance mondiale, celui des pénitenciers ibériques doit lui rappeler Cayenne !
– Et t’as lu le journal ce matin ? Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vient de remettre un rapport sur les prisons et les centres de rétention pour sans-papiers en France. Il nous assassine ! Je te lis des passages : « Le commissaire appelle le gouvernement à « répondre immédiatement aux conditions inacceptables de détention des détenus contraints de vivre dans des cellules surpeuplées et souvent vétustes. »
– Il y va pas de main morte, le commissaire !
– Attends, écoute la suite sur les sans-papiers : « La pression engendrée par une politique du chiffre pousse les forces de l’ordre à procéder à « de plus en plus d’interpellations avec des méthodes parfois contestables », comme des contrôles « au faciès », ou des arrestations dans l’enceinte d’écoles et de préfectures. « Il est à craindre que les services administratifs appliquent la loi d’une manière de plus en plus mécanique et sous un angle plus répressif ne leur permettant souvent plus de mesurer la réalité des situations humaines derrière chaque dossier. » »
– Bravo les petits ! Si je comprends bien, Santos, il est mieux en Espagne, peuchère !
– Non, il a pas à aller en prison, c’est tout ! S’il est condamné, on peut juste espérer qu’il bénéficiera d’une peine alternative comme le bracelet électronique ou la semi-liberté comme Rouillan.
– Jean-Marc Rouillan, le gars d’Action directe ? Mais il est retourné en taule ! Il bossait pour la maison d’édition Agone à Marseille, et les soirs et les week-end, il retournait dans sa cellule. Mais pour avoir donné une interview à l’Express, le juge d’application des peines l’a remis entre quatre murs. (silence)
– Les juges, ils ont pas un boulot facile, hein ?
– Pour que 534 d’entre eux signent une pétition dénonçant l’incohérence des politiques pénales du ministre de la justice, c’est rare ! (re-silence)
– Allez, bois un coup mon vieux, on va pas se laisser abattre pour si peu…
– T’as vu Zubar encore l’autre soir, il a peur de mettre la tête…

Victor Léo