Dictateur artistique
Il n’y avait qu’à voir danser Barack Obama le soir de son investiture pour mesurer la différence de style avec notre joggeur présidentiel estampillé FBI. A imaginer notre cher dirigeant prendre en main la destinée de la culture française à la tête d’un « Conseil pour la création artistique » fraîchement créé, au choix on rigole ou on s’inquiète. Parmi les membres de ces mèches grises chargées de réfléchir à l’avenir de nos lieux de culture, la plupart sont issus de la gauche. Façon de retravailler le concept d’ouverture mis à mal par les offices du bon docteur Kouchner ? Assèchement politicien des racines s’abreuvant des mots de Molière et d’Hugo plutôt que des rimes de notre poète Johnny ?
Loin de vouloir tuer dans l’œuf une initiative louable, ce qui déplait, c’est la posture « c’est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière. » Pour impulser un « changement de culture » après des décennies de « mauvaises habitudes », Nicolas Sarkozy n’a rien trouvé de mieux que d’imaginer un comité présidentiel en dehors du ministère de la culture qui va pourtant célébrer ses cinquante ans de belle existence. Il se repaît de phrases bien léchées pour finalement nous dire qu’il faut faire des économies partout, à commencer par la culture. Ça mange pas de pain — ou si peu, les artistes — et ça disperse les errements généraux d’une politique antisociale. « Qu’on leur donne de la brioche », s’ils n’ont rien à becqueter. Et qui bouffera ? C’est papa qui décide : « Aider tout le monde faute de savoir discerner la qualité, c’est de mon point de vue créer une formidable injustice », a-t-il lancé à un parterre de représentants du monde de la culture réunis à l’Elysée. On imagine le casting « Place de la Concorde. » Après avoir tiré la Géorgie des griffes de l’ours russe, sauvé l’économie mondiale des eaux tempétueuses, il se remet en scène dans un nouveau rôle fait à sa mesure : le chantre de la révolution culturelle. Qui veut aller voir le film ?
Victor Léo