Le journal des bonnes nouvelles
Si loin, si proche. Le week-end dernier, tandis que la compagnie Sarkozy se prenait une taule mémorable, Docteur Obama réussissait le tour de force de faire avaler la pilule à ses administrés. Résultat de concessions faites aux assureurs privés, la réforme du système de santé garantit néanmoins aux Américains les plus pauvres de ne plus avoir à choisir entre payer ou mourir. L’empire ne décline pas, il converge. Le modèle français reste un exemple. A cinquante ans passés, notre cher dirigeant a-t-il fait son test de dépistage du cancer colorectal ?
Pendant ce temps, en France, l’effet Besson jouait donc à fond : immigration, piège à élections. Résultat : une nouvelle vague rose (et verte) s’étendait sur nos régions, tandis que les Bleus réussissaient un neuvième grand chelem en Ovalie et que les blancs de l’OM venaient à bout d’un Lyon bien plus rugissant en Champions League.
Ce premier week-end printanier s’est donc paré de jolies couleurs, avec une affluence record de bonnes nouvelles en ces temps de crise économique, politique et climatique.
Justement, les bonnes nouvelles, c’est désormais le credo de France Soir, dont la nouvelle formule a vu le jour entre les deux tours des élections. Racheté il y a un an par le jeune Alexandre Pugachev, fils d’un célèbre oligarque russe connu pour ses accointances avec Vladimir Poutine, le titre, moribond depuis quelques années (1), entend se refaire une santé avec l’arrivée de nouvelles signatures (PPDA, Laurent Cabrol, Thierry Roland…), un prix plus bas et, surtout, une impressionnante offensive médiatique (télévision, radio, affichage…). Une campagne publicitaire qui interpelle, et pas seulement en raison de son budget colossal de vingt millions d’euros. Correspondant à la nouvelle ligne éditoriale du journal, le spot diffusé en masse sur les télévisions françaises nous montre une ville en technicolor peuplée de gens propres sur eux et manifestement ravis de se délester de cinquante cents auprès de crieurs publics (sic) pour se plonger dans la lecture des bonnes nouvelles du jour. N’était cette joggeuse moulée dans un cycliste, on se croirait revenus dans les années 50. Cette « page de réclame », que les plus indulgents des commentateurs qualifient de « gentiment rétro », n’est-elle pas tout simplement rétrograde ? Voire périmée, comme le cliché de Johnny — vieux de quatre ans — en une de l’édition du 19 mars ? A vouloir jouer la carte de l’insouciance à outrance et de l’optimisme béat, France Soir ne risque-t-il pas de se transformer en version papier du journal de Pernaut ? Pas sûr que la presse papier, pour laquelle la survie d’un titre est toujours une petite victoire, en sorte véritablement gagnante.
CC
Notes- Selon les chiffres de l’OJD (association pour le contrôle de la diffusion des médias, comme son acronyme l’indique…), France Soir s’est vendu en 2009 à 22 722 exemplaires par jour[↩]