En 2004, une bande de jeunes artistes et architectes, amoureux du Marseille post-industriel, lance l’idée d’une candidature folle : capitale culturelle. Avec surprise, leur initiative, qui se voulait décalée, est bientôt reprise par la mairie, heureuse de pouvoir présenter autre chose qu’une oursinade dans la case « culture » de cet hiver-là. Alors que des perspectives florissantes commencent à s’annoncer, la chambre de commerce intervient rapidement pour supplanter définitivement l’amateurisme du conseiller culturel municipal. L’objectif : remporter la candidature, qui permettra d’attirer les fonds et les touristes. Face aux autres villes, on met le paquet au mercato en recrutant une star : Bernard Latarjet, monsieur « La Villette ». Son projet parle de liens entre les couches sociales, professionnelles, entre les quartiers. De cette rencontre organisée naîtraient cinquante projets d’initiatives populaires qui côtoieraient des créations contemporaines et, enfin, une promesse : tout faire pour redynamiser la nuit marseillaise, inexistante.
Si, ils l’ont dit.
C’est beau comme un projet culturel socialiste, disent immédiatement les plus cyniques. Tellement beau que Marseille décroche finalement le sésame. Sitôt la victoire officielle, on fait très vite comprendre à ce Parisien distingué aux idées créatives qu’il n’a plus qu’à se taire. Finis les quartiers, le participatif, les Marseillais… L’appel à projets est clair : on ne produira rien, ne seront étudiés que les projets déjà financés. En clair, seules les institutions déjà en place pourront espérer participer au banquet. Artistes, acteurs et créateurs locaux : circulez, y a rien à voir !
La semaine dernière, la nouvelle est tombée sans un bruit, à l’aube d’une horrible « Odyssée africaine » de l’OTAN, tombant elle-même à point pour faire oublier que la planète vit une catastrophe nucléaire irréversible : Bernard Latarjet quitte la direction de Marseille Provence 2013.
Quant à nos artistes à l’origine de la candidature, ils ont d’abord été fiers puis excités à l’idée de participer à cette formidable dynamique. Ils ont même créé un site ressource, qui accueille tous les projets d’anonymes marseillais et des « unes » graphiques et littéraires, célébrant la cité phocéenne et exprimant les humeurs d’un nombre sans cesse croissant d’artistes à propos de l’événement à venir. Cette communauté Internet a pour particularité de laisser s’exprimer tout le monde, sans aucun critère de « faisabilité » ou d’inscription dans les thèmes officiels. Le résultat est un puits sans fond de créations échevelées, d’illustrations et surtout d’idées lumineuses dont le public doit parfois isoler les fantasmes des initiatives auxquelles ne manque que la réalisation. Croyant longtemps en l’espèce humaine, les animateurs de cette plateforme numérique ont attendu, puis proposé en vain d’être la naturelle interface entre une ville aux milles vies underground et une institution très éloignée de ce grouillement créatif.
Naïfs diront certains, optimistes diront les autres, les Marseille 2013 « canal historique » n’ont acté que récemment la situation : hormis quelques grands-messes autour de banquets, il ne sortira rien du canal officiel. D’où cette décision de créer une alternative : lancer les artistes, les associations, les médias et qui veut dans l’organisation d’un Off. A travers l’utilisation du site et le recours à des outils de production participatifs, l’ambition est simple : se réapproprier l’évènement et faire bénéficier toute la communauté marseillaise de l’idée qu’ils eurent il y a sept ans. Si l’on en juge l’unanimité des critiques émanant des acteurs culturels depuis un an, nombreux sont les laissés-pour-compte qui ont à cœur de faire autre chose, autrement. Ou quelque chose, tout simplement.
Alors, participez à marseille2013.org /.com /.fr…(1), dont Ventilo est partenaire et reportera régulièrement l’actualité. Comme disait le philosophe altoséquanais, « Ensemble, tout est possible. »
Emmanuel Germond
Notes- Avant de se faire déposséder de leur idée, le collectif a tout de même eu l’idée de déposer les noms de domaines. [↩]