Edito 292

Edito 292

A moins de cent jours de l’élection présidentielle, les contours des forces en présence se dessinent. Affiner son choix suppose s’informer. Télévision, radio, presse écrite et, nouveau de la classe, Internet, offrent à l’électeur leurs services. Le plus souvent privés. Les vendeurs d’armes et autres pros du bâtiment se sont disputé le droit de diffuser la bonne parole dans nos foyers. Par le biais de la publicité bien sûr, mais plus subtilement par le relais incessant de journalistes et experts triés sur le volet, ces Nouveaux chiens de garde de l’ordre établi. Dans son essai paru en 1997, inspiré notamment des travaux de Pierre Bourdieu, Serge Halimi met au jour une nouvelle critique des médias. Dans sa déclinaison sur grand écran (voir chronique), les auteurs (et journalistes) Gilles Balbastre et Yannick Kergoat débusquent la collusion entre journalistes vedettes, politiques et grands patrons dans le but non affiché de promouvoir la voie unique de la politique néolibérale. La démonstration est patente en ces temps de campagne électorale. Mais leur souhait de nous voir nous réapproprier collectivement nos médias se heurte à nos habitudes et aux contraintes quotidiennes des journalistes.
Un continent est peu exploré par le film. Celui du Web. Libérée du poids du support matériel, l’information numérique s’y diffuse plus vite et plus loin, laissant moins de place au filtrage. Mais la reprise en main nous guette. Un arsenal législatif se met en place pour limiter la libre expression des productions intellectuelles et s’arroger le droit de fermer un site. Aux Etats-unis, le récent blocage du site Megaupload hébergé en dehors du territoire américain par des moyens réservés au crime organisé, ainsi que les projets de lois SOPA/PIPA (1) et surtout ACTA (2) soulèvent des protestations. L’opposition à Hadopi en France procède du même raisonnement : défendre la neutralité du Net et empêcher un droit de regard inquisiteur sur les informations qui y circulent et les citoyens qui les reçoivent. Au « Far Web », certains shérifs veulent imposer leur loi. Pour protéger le pouvoir du maître, plus besoin de chien de garde. Ils veulent pouvoir tirer à vue.

Victor Léo

Notes
  1. SOPA pour Stop Online Piracy Act et PIPA pour Protect Intellectual Property Act[]
  2. ACTA pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou Accord commercial anti-contrefaçon []