Un Nobel guère épais
Les Européens se la racontent. Ne pas avoir déclaré la guerre pendant soixante-dix ans à un voisin – record battu – nous donnerait le droit de s’autocongratuler chaleureusement entre gens bien. Qu’on se souvienne de Martin Luther King, Mère Teresa, Aung San Suu Kyi ou Desmond Tutu, soit, mais l’Union européenne ? La récompense est en fait passée relativement inaperçue. Les dirigeants actuels des pays membres ne se bousculent pas au portillon pour recevoir le prix. Le silence règne au sommet des Etats depuis l’annonce. Un signe de décence que les dirigeants font passer en douce, quand les uns après les autres organisent un système économique agressif envers leur propre population. L’Europe a oublié l’odeur de la poudre et le goût du sang, mais les larmes continuent de perler. La guerre économique a remplacé avantageusement la pax americana. Zéro mort mais combien de disparus ? Le soldat qu’il faut sauver n’est pas l’ouvrier de Metaleurop mais l’actionnaire de Goldman Sachs. A ce rythme, la guerre aux pauvres continuera de frapper la population continentale, dont la réaction reste pour le moment sourde. Le capitalisme du désastre est à l’œuvre en Grèce, en Espagne et au Portugal, comme l’a décrit Naomi Klein dans sa Stratégie du choc, qui profite de l’état de crise pour imposer son hégémonie. « La guerre, c’est la paix » est le slogan préféré de Big Brother dans 1984. Nobel a-t-il lu Orwell ?
Victor Léo