Edito 308

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Où l’on casse le Barack

Mercredi 7 novembre : la France se réveille en apprenant la victoire de Barack Obama aux élections présidentielles américaines. Le sourire aux lèvres : le sexy, le cool Barack l’a emporté sur un mormon rétrograde (pléonasme), millionnaire un peu bébête (une spécialité républicaine, semble-t-il) soutenu par des bouseux white trash qui croient encore que l’Amérique est synonyme de liberté. Dans les médias français, tout le monde manifeste son contentement. A gauche, on respire de ne pas devoir frayer avec Romney pendant quatre années qui s’annoncent déjà assez compliquées comme ça. De l’autre côté du spectre politique, on se rappelle sans doute — et à juste titre — que le parti démocrate ne représente rien d’autre qu’une version édulcorée de la droite telle qu’on l’entend dans la vieille Europe. Certes, Obama a imposé un programme de protection sociale, qui porte d’ailleurs son nom. D’accord, il est plus « progressiste » que son adversaire déchu. Ok, il est beau, sympa, il chante bien, aime sa femme plus-qu’hier-et-moins-que-demain. Mais ses atermoiements sur l’avortement, ses positions troubles sur la peine de mort, ses promesses non tenues (la fermeture de Guantánamo), sa politique environnementale (gaz de schiste et Dieu pour tous), sa « kill list » (révélée par le journaliste du New York Times David Sanger)… Voilà qui devrait atténuer quelque peu l’enthousiasme général. Sans parler de la politique économique du locataire de la Maison Blanche, qui promettait de réformer Wall Street, mais avait pour principal donateur, lors de sa première campagne électorale, la banque Goldman Sachs. Une politique éminemment libérale, comme dans à peu près tout le reste du monde occidental. Y compris dans l’hexagone. Le parallèle entre les Etats-Unis et la France paraît à ce titre plus saisissant que jamais, les médias laissant croire au monde que la gauche est au pouvoir dans deux des plus grandes « puissances » du globe. Alors que ces deux présidents représentent surtout l’impuissance du politique face à la finance internationale. A l’heure où nous écrivons ces lignes, François Hollande se prépare à expliquer, comme son Premier ministre avant lui, que son plan économique pour faire face à la crise est « de gauche ». Un plan qui prône la rigueur sans la nommer, alors que l’on a bien eu le temps de constater que ça ne marche pas. En témoignent les Européens du Sud (Grecs en tête, mais aussi Espagnols, Portugais…), qui crèvent la bouche ouverte. Un plan qui n’évoque jamais les dividendes des actionnaires, mais remet sur le tapis la TVA, soit l’impôt le plus injuste qui soit. Un plan basé sur le rapport de Louis Gallois, donc. Ce même Louis Gallois qui parle de « choc de confiance ». Ah ça, les millions de Français qui ont mis leur confiance entre les mains du PS — souvent faute de mieux, certes — doivent être choqués ! En tout cas, ils ont de quoi.

CC