Pollution de l’ère

Pollution de l’ère

L’émergence d’idées nouvelles, de mouvements de fond dans le débat public engendre généralement une réaction forte des pouvoirs.

La catastrophe climatique, la nécessaire lutte pour la bifurcation, voient mener des actions diverses un peu partout dans le monde et en France. Les manifestations contre les « mégabassines », contre l’appropriation de l’eau, les œuvres d’art souillées par des militants écologistes pour délivrer leur message, entraînent des controverses sur l’opportunité des moyens et sur les buts à atteindre. Ces actions disparates provoquent la divergence des stratégies, la scission de camps, en quelque sorte le débat. Mais l’évidence du problème auquel on doit faire face désigne l’adversaire. Et l’adversaire reconnaît l’ennemi.

L’utilisation par le ministre de l’Intérieur du néologisme « écoterrorisme » pour désigner les manifestants écolos ne manque pas d’inquiéter. Quand un gouvernement accuse qui que ce soit de terroriste, il désigne un criminel, une menace et un ennemi à combattre. Chacun se figurera le pire. Attaquer ainsi des militants qui manifestent leur opposition, au plus haut de l’État, ne peut se limiter à la communication. L’acception du terme est trop grave pour jouer à la guerre des mots à la télé.

La Turquie juge actuellement des avocats pour terrorisme pour avoir défendu des opposants au pouvoir, sans preuve tangible et sans procès équitable. Ces avocats, poursuivis pour avoir exercé leur profession, sont en détention provisoire pour six ans pour certains et encourent une peine de douze années d’emprisonnement. Voilà comment ailleurs on accuse son chien de la rage pour l’abattre.

Le ministre de l’Intérieur, chargé de notre sécurité, de lutter contre les menaces contre la population, ne peut ignorer ses responsabilités. Il aurait dû être désavoué immédiatement, si son expression n’était pas partagée dans les cercles du pouvoir. L’écologie terroriste ? L’écologie politique ? On accuse l’adversaire de ses propres maux, on brouille les pistes, on se rengorge de discours verts. Mais à l’heure des actes, plus personne. Les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat qui a planché sur les mesures souhaitables ont été jetées à la corbeille. Les tribunaux continuent de condamner l’État français pour son incapacité à faire respecter ses propres normes de niveaux de pollution. Les objectifs de construction de logements sains et de rénovation ne sont pas tenus. La COP 27 accouchera d’une nouvelle souris. À force, la peur pourrait changer de camp.

 

Victor Léo