L’objectif d’un éditorial n’a rien de modeste : « Ecoutez bien ma pensée , comme elle est originale, comme elle va vous éclairer… Et éventuellement changer le monde ». Le propos est régulièrement messianique. Mais là, il faut dire qu’il y a de quoi être fier ! Voyez plutôt : jusqu’à mercredi dernier, le monde était dirigé par des vendeurs d’armes… (lire la suite)
L’essentiel, c’est de participer.
L’objectif d’un éditorial n’a rien de modeste : « Ecoutez bien ma pensée , comme elle est originale, comme elle va vous éclairer… Et éventuellement changer le monde ». Le propos est régulièrement messianique. Mais là, il faut dire qu’il y a de quoi être fier ! Voyez plutôt : jusqu’à mercredi dernier, le monde était dirigé par des vendeurs d’armes et des pétroliers américains, la France affligée et affligeante se résignait à suivre un roman-photo de six mois entre le courageux Nicolas et la sage Ségolène, dont on était sûr qu’ils allaient sucer les pompes otaniennes pendant cinq ans, sitôt élus. Le tout parfaitement orchestré par de faux journaux d’opposition et de vraies propagandes. C’est alors que sortait notre édito, qui invitait à une démocratie représentative et vantait les mérites de la presse indépendante anglo-saxonne. Les effets furent rapides et d’ampleurs inattendues. Sitôt le papier mis en ligne (environ à 2 h du matin), l’Amérique démocrate reprenait courage et exprimait sa contestation massive (prédite dans l’oracle). Le temps d’une courte nuit au cours duquel Ventilo était diffusé, et son impact touchait la France. A la Une de tous les journaux et sans faire référence au nôtre, Nicolas Hulot réclamait aux candidats de mettre la démocratie participative dans leurs programmes sinon, on verrait ce qu’on verrait. Sentant le filon, les filous lui emboîtaient le pas, Fabius en tête, en lui promettant d’être numéro deux sur sa liste. Fait inimaginable quelques heures plus tôt, les idées devenaient prioritaires sur les personnes et tout le monde se mettait à jouer la partition de la raison et de l’écoute. Gaulliste old-school, Nicolas Dupont Aignan (UMP) se réclamait soudainement de Chevènement et expliquait qu’il n’était pas du tout d’accord avec Sarko. Boutin enfonçait la pierre en se présentant également. Mamère, Buffet, Arlette, Chevènement, Besancenot : tout le monde se penchait pragmatiquement sur les idées du PS, en n’épargnant jamais Ségolène (qui a la caractéristique de réunir tout le monde contre elle). Dans la précipitation, elle voulut alors faire bonne figure en montrant qu’elle aussi avait des idées : mauvaise pioche avec cette histoire de 35 heures pour les professeurs. Tout d’un coup, plus rien n’était tabou, et les réactions avaient le droit d’être saignantes. Peu habitués à faire fonctionner leurs neurones, les journalistes français ne comprenaient plus rien. Et ils ne furent pas épargnés : la fin de semaine fut un feu d’artifice d’avis et de prises de positions pour le moins inhabituelles. Après trois jours d’effet, les Américains mettaient le chef des armées devant les tribunaux et commençait à parler de se rapprocher de l’Iran et de la Syrie.
Evidemment, Libération ne trouvait plus grande chose à dire, agrandissait les photos de Sarkozy, réduisait le nombre de pages et pensait même à disparaître. Les nouvelles se succédaient donc à un train d’enfer, dans une ambiance de « tout est permis ». Rassuré, Dieudonné, nommé en 2000 « homme de bonne volonté dans sa lutte contre le racisme » par l’ONU, se dit qu’il pouvait enfin aller voir si la convention Bleu Blanc Rouge ressemblait à la Fête de l’Huma. Nicolas Hulot, lui, profitait du calme de lundi pour reprendre son idée à Fabius et préciser qu’il n’était pas à vendre. Enfin, encouragés par le nouveau discours américain et histoire de ne pas répéter deux fois la même chose, les chiites irakiens décidaient de passer à l’âge adulte en enlevant cent personnes d’un coup. A ce rythme, on imagine que les six mois à venir vont dépoter, même si on ne pourra pas toujours être là pour faire avancer le débat. En revanche, pour ce qui est de la projection de Vivant au Polygone Etoilé, jeudi à 17 h, dans le cadre des Rencontres Asymétriques et surtout, à propos des Rencontres Internationales de la Performance à L’Embobineuse ce week-end, le journal Ventilo tient à signaler qu’il décline toute responsabilité.
Texte : Emmanuel Germond
Photo : © Vincent Lucas, le Forgeron du Village des Facteurs d’Images
Pendant le rassemblement contre l’OMC, Larzac 2003
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