Lundi matin, le réveil a été plus difficile que d’habitude. L’impression diffuse d’avoir passé une mauvaise nuit, hantée par un mauvais rêve. J’ai bu comme un trou ? J’ai rencard chez le dentiste à la première heure ce matin ?
Mauvais rêve
Lundi matin, le réveil a été plus difficile que d’habitude. L’impression diffuse d’avoir passé une mauvaise nuit, hantée par un mauvais rêve. J’ai bu comme un trou ? J’ai rencard chez le dentiste à la première heure ce matin ? Et puis la réalité apparaît dans le brouillard et décolle les yeux douloureusement. Nicolas Sarkozy est en passe de devenir le Président de la République française pour cinq longues années. Cette perspective, nous l’éloignions de notre esprit. Nous ne voulions pas y croire. Nous avions échafaudé tous les scénarii imaginables pour le voir chuter. C’est ainsi qu’un grand nombre d’électeurs a tenu à porter Ségolène Royal au second tour. Pas tant pour empêcher Le Pen de nous rejouer un triste remake. Mais surtout pour la voir battre la droite toute entière. Contre sa vision du monde des affrontements, de la lutte incessante de chacun contre tous. Et pourtant. Malgré une mobilisation sans précédent, l’homme pressé a réalisé un score incroyable. Tellement, qu’il nous laisse un goût amer. Qu’il nous fait nous demander qui sont ces onze millions de personnes qui jusque là ne nous disaient rien, ne nous parlaient pas de leur malheur. Combien autour de vous annonçaient leur choix ? Pas des masses sans doute. Comme s’ils n’avaient pas osé l’avouer, comme s’ils se sentaient honteux. Alors on a envie aujourd’hui d’imaginer tous ces gens, on veut les regarder dans les yeux pour sonder leur désespoir ou leur jeter un œil mauvais. De la même manière que l’on cherchait les électeurs de Jean-Marie au lendemain du 21 avril ou des victoires du FN aux mairies de Vitrolles, Orange ou Marignane. Certains se réjouiront de la récupération efficace des électeurs frontistes au profit de la victoire du camp sarkozyste. Mais pour les garder dans son giron, le jeune leader de l’UMP devra les contenter. Mener une campagne sur les thèmes lepénistes autrefois honnis l’amènera immanquablement à un exercice du pouvoir brutal, sans aucune mesure avec un ex-Président français. Il serait le premier qui gagnerait l’élection présidentielle sur cette base. Comment dirigera-t-il le pays dans l’objectif d’être réélu ?
Pour l’électeur de gauche et de Bayrou, pas d’alternative. Pour Ségolène ou contre Sarkozy, il faudra aller voter pour elle. Car l’abstention est un faux-semblant. On se retire du jeu pour avoir la conscience tranquille et les mains propres. Mais si l’un ou l’autre n’y va pas, il doit savoir qu’il augmentera mécaniquement les chances de voir Sarkozy devenir Président. Pour la victoire, il va falloir batailler. La candidate a du mérite. Elle a tenu bon. Elle est là. On a entendu ici et là « On a gagné, on est en finale ! », ou « l’affront est lavé ». Mais ce n’est pas une victoire. Si la gauche n’espère pas plus, elle n’aura pas mieux. Une femme au pouvoir peut réunir les Français après tant de divisions entretenues par le pouvoir bien en place. L’espoir simple de vivre et grandir ensemble, elle le porte face aux hommes imbus de leur puissance. Dominique de Villepin avait proféré en son temps que « La France a les jambes écartées. Elle attend qu’on la baise ». Il s’y voyait déjà tandis que Sarkozy répétait son fameux gimmick : « Je les ai tous niqués ![1]». Non, messieurs, la France n’est pas une fille facile. Pascal Luongo
Notes
[1] Nicolas Sarkozy aurait prononcé cette phrase en 1983 après avoir ravi la mairie de Neuilly au nez et à la barbe de Pasqua qui l’avait nommé responsable de sa campagne.