Au centre de l’image publiée par un journal américain, ses principaux personnages entourent le poète : en partant de Cyrano, et en remontant, voici le duc de Reichstadt de L’Aiglon, Percinet des Romanesques, Photine de La Samaritaine, Sylvette des Romanesques, Flambeau de L’Aiglon, Roxane de Cyrano, Mélissinde de La Princesse lointaine. Et, autour, les principaux acteurs de Chantecler.
Illustration issue de Edmond Rostand, les Couleurs du panache © Collection Kathia David et Thomas Sertillanges

Edmond Rostand, les Couleurs du panache de Thomas Sertillanges

Plus loin que le bout de son nez

 

Un peu plus de cent ans après la disparition d’Edmond Rostand, Thomas Sertillanges nous livre la vie de ce poète hors du temps. Les Couleurs du panache, première biographie illustrée, risque de vous donner l’envie de connaître l’étendue de son œuvre.

 

 

Le titre nous interpelle. La présence du « panache », dernier mot prononcé par Cyrano juste avant de mourir, dans la pièce éponyme, ne nous laisse aucun doute. Mais qu’en est-il des couleurs ? Thomas Sertillanges, « amateur éclairé » de cet auteur qu’il étudie depuis plus de trente ans, est parti d’un constat simple. Edmond Rostand semble être réduit à cette pièce ultra célèbre auprès du grand public, alors que son œuvre est d’une richesse inouïe. Ainsi, à chaque entrée de chapitre, une couleur différente représente la variété de son travail littéraire.

Ce beau livre contient plus de cinq cents images dont une partie provient de l’immense collection personnelle du biographe, mais également de documents d’archives du Musée Edmond Rostand.

Cette biographie illustrée, la première de son genre, nous plonge dans le Paris de la Belle Époque et ses prémisses provençales, ou bien dans le dédale psychologiques de ses inspirations multiples. On y retrouve en la personne de Sarah Bernhardt, ou encore Coquelin, les pierres angulaires du développement de sa carrière de dramaturge. La Princesse lointaine, La Samaritaine, Cyrano de Bergerac ou encore Chantecler sont autant de pièces écrites pour ces derniers dans le rôle principal.

Bien qu’il n’ait pas révolutionné les codes de l’écriture théâtrale, le succès fulgurant de Cyrano poussera l’auteur et poète, timide et complexé, bientôt poursuivi par les journalistes et bien trop jeune pour l’assumer, à fuir les mondanités. Sa retraite à Cambo-les-Bains, au Pays Basque, aura raison de sa seconde nature : de dandy monté à la capitale, il sortira la robe de chambre de sa malle, sombrant progressivement dans l’immensité de la page blanche et les torpeurs de la dépression.

Nous rencontrons aussi sa femme, Rosemonde Gérard, personnalité joyeuse et ouverte qui mettra sa carrière de poétesse de côté afin d’agir auprès de son mari en conseillère, confidente, amie, muse, coach, manager, infirmière et documentaliste. Leur séparation coupera une nouvelle fois l’inspiration de l’auteur jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Thomas Sertillanges est d’ailleurs l’un des rares qui a su mettre en valeur la qualité de ses poèmes dédiés au Poilus, notamment lors du Festival Edmond Rostand en 2018.

C’est aussi l’un de ceux qui se battent pour réhabiliter cet auteur dans sa ville natale, Marseille, à qui l’on reproche l’assourdissante absence au profit de la capitale. Navré du délabrement de sa sépulture au cimetière Saint-Pierre, Thomas Sertillanges a œuvré à sa rénovation en 2017.

Il s’est aussi plongé dans l’histoire de la famille Rostand, indissociable de celle de la cité phocéenne. Une famille bourgeoise de grands voyageurs, d’armateurs, attachée à sa culture méditerranéenne et à la défense d’une certaine justice sociale.

Le biographe semble, par l’étude des actions de cette grande lignée, donner un élément de réponse quant au goût de Rostand pour les pauvres et les écorchés, les « sans-grades » de cette Grande Guerre à laquelle il n’a pu physiquement participer mais au cours de laquelle il est devenu le « Poète national » par ses écrits pour soutenir le moral de la nation et de ses soldats, devenant également parrain d’un régiment. Des valeurs d’empathie, inculquées lors de son enfance et qui s’entremêlent, jusqu’à se confondre avec, au contexte culturel de sa ville natale, qu’il rejoint à la fin de sa vie, accompagné des siens.

 

Laura Legeay

 

À lire : Edmond Rostand, les Couleurs du panache de Thomas Sertillanges (éd. Atlantica)

Pour en sa(voir) plus : https://www.edmondrostandlescouleursdupanache.fr/