Election 1 et 2 – (Hong-Kong – 1h40 + 1h35) de Johnny To avec Simon Yam, Tony Leung Ka-Fai, Louis Koo…
Une erreur grossière serait de croire que Johnny To est un héritier direct du polar hongkongais des années 80. Depuis maintenant une dizaine d’années, l’auteur du stimulant The Mission creuse un sillon… (lire la suite)
Politic abstraction
Une erreur grossière serait de croire que Johnny To est un héritier direct du polar hongkongais des années 80. Depuis maintenant une dizaine d’années, l’auteur du stimulant The Mission creuse un sillon original autant qu’inégal dans le paysage cinématographique local. Le diptyque Election constitue sans doute l’aboutissement de ses recherches formalistes, à la limite de l’abstraction. Dans Election, tout est affaire de substitution, de déplacement. Les luttes de pouvoir pour être élu à la tête du clan Wo Sing ne sont finalement que le prétexte à un subtil jeu d’échanges formels. Lok dans Election, puis Jimmy dans Election 2 ne sont que les figures interchangeables d’un ordre immuable : celui du film de gangsters et plus particulièrement du « film de yakuza » japonais. Johnny To se saisit de ces corps pour mieux les figer dans ce qui s’approche d’un cinéma de l’atonie totale. Déjà les moments forts de The Mission étaient glacés pour mieux se concentrer sur le quotidien des gangsters. De la même façon, les flics de PTU voyaient l’univers se résumer à leurs errances répétées dans les rues de Hong-Kong. Aujourd’hui Election 1 et 2 consacre un style où l’horreur est filmée comme un rituel apaisant, où les êtres semblent absents à eux-mêmes. Jimmy peut dépecer les corps de ces ennemis, Lok écraser le crâne de son rival : ils ne sont plus que des formes abstraites et fascinantes sur la pellicule silencieuse de Johnny To. C’est cette intensité, esthétique autant que politique, qui fait la beauté des deux opus d’Election.
Romain Carlioz