En ligne | Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt

Impressions d’Afrique

 

L’équipe du Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt, rendez-vous incontournable attaché à l’une des plus puissantes cinématographies qui soient — comme nous le rappelons souvent dans ces colonnes — a pris le parti, à l’instar d’une petite poignée d’autres festivals, de proposer une édition en ligne et gratuite. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !

 

Si au fil des mois, l’inquiétude est grandissante quant à l’avenir du modèle industriel cinématographique tel que nous le connaissons (production, distribution, diffusion), sujet central de tous les échanges professionnels et autres articles de presse qui peinent à imaginer un autre rapport à l’œuvre filmique, il est nécessaire par ailleurs de rappeler ce que cette crise sanitaire aura produit sur la création cinématographique, fait rarissime dans son histoire : un espace quasi-vide durant de longs mois, une absence de récits. Or, c’est de cela dont se nourrit l’imagination, l’acte créatif, y compris aux endroits de diffusion, que sont entre autres les salles et les festivals. Ou l’idée du sillon du mythe, dans sa vision heideggérienne.

Fort heureusement, et l’on parle là de geste salutaire, une poignée de festivals a décidé de construire d’autres propositions, remplaçant leurs rencontres habituelles, via les outils numériques. Substituer la force originelle du hic et nunc qui porte en lui la dynamique festivalière par la reproductibilité des réseaux reste un choix difficile, dans la transformation radicale du paradigme qu’il sous-entend. Mais c’est là une voie qui peut également ouvrir d’autres perspectives — et concentrons-nous sur ces aspects positifs —, en l’occurrence celle d’élargir son audience bien au-delà des frontières finies du territoire.

C’est ce qu’évoque l’équipe du Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt lors de la présentation de sa dix-huitième édition : contre vents et Covid, maintenir une programmation toujours aussi pertinente, rappeler la force créative de la production cinématographique des nombreux pays africains, toujours trop peu diffusée, et permettre cette année l’accès aux films aux spectateurs internationaux, principalement africains.

Durant sept jours, l’équipe organisatrice nous donne donc rendez-vous sur son site afin de découvrir un film par jour (deux les samedi et dimanche), accompagnés entre autres de deux tables rondes et maints débats en direct. Onze pays seront ainsi représentés au sein de cette programmation, mêlant fictions, documentaires, longs et courts-métrages.

À commencer par Tilo Koto (sous le soleil), film franco-algérien de Sophie Bachelier et Valérie Malek, qui suit le rêve brisé du jeune sénégalais Yancouba, dont les désirs d’une vie meilleure échouent dans le Sud tunisien, le corps brûlé par les stigmates des terribles traversées qu’il transcendera par le geste pictural. Une séance virtuelle qui sera suivie d’un échange avec les deux réalisatrices, et précédée de la première table ronde, « Que nous disent-elles, que nous dites-vous, femmes cinéastes d’Afrique ? », en présence de Nina Khada, Wided Zoghlami et Yosr Gasmi, et animée par l’excellent Tahar Chikhaoui, commissaire de la saison Africa2020.

Suivra au sein de cette programmation l’opus de Karim Dridi et Julien Gaertner, Hakawati, qui retrace la tournée entre Israël et Palestine d’un couple de marionnettistes. Karim Dridi est bien connu du public phocéen pour avoir tourné à Marseille, entre autres, son magnifique Bye bye : un cinéaste dont la reconnaissance n’est pas à la hauteur d’une œuvre magnifique et radicale, à l’écriture ciselée et puissante.

Les autres films programmés durant cette édition sont à découvrir — gratuitement — sans réserve, de Granma Nineteen and The Soviet’s Secret de Joao Ribiero au Choix d’Ali d’Amor Hakkar, en passant par Ntarabana de François L. Woukoache ou Buddha in Africa de Nicole Schafer.

L’autre table ronde, proposée le dimanche 24 janvier à 14h, viendra justement interroger cette question centrale du défi numérique dans la découverte des œuvres : « Circulation immatérielle des films. Les Défis » réunira Amor Hakkar, Angèle Diabang, Mohamed Frini, Karim Dridi et Berni Goldblat, pour un échange des plus passionnants.

Si l’on ajoute à ces propositions la séance de courts-métrages et les projections scolaires maintenues dans les établissements, nous ne pouvons que féliciter l’équipe du festival d’avoir su construire cet événement hors des sentiers habituellement battus, et inviter tout passionné de cinéma(s) à encourager ces regards portés sur l’une des plus belles cinématographies mondiales.

 

Emmanuel Vigne

 

Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt : jusqu’au 28/01 sur le site www.africapt-festival.fr/

Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/afriqueaptfestival /