Entre les murs – (France – 2h08) de Laurent Cantet, avec François Bégaudeau, Nassim Amrabt…
Lutte des classes
Depuis Ressources humaines, le cinéma de Laurent Cantet pose, peu ou prou, la même question : celle de la place de l’être humain dans une société (quelle qu’elle soit), de la survie du corps humain dans le corps social. En cela, son cinéma est éminemment politique et finalement assez loin du carcan des « films à thèses » dans lequel nos médias voudraient bien l’enfermer. Entre les murs ne développe donc aucune thèse sur l’école mais agit plutôt comme une onde de chocs née de la confrontation des images, des postures, des genres ou des registres de langues. A l’instar du cinéma de Pialat vers lequel, immanquablement, elle tend, l’œuvre de Cantet produit un discours en entrechoquant les plans et en plongeant ses héros dans un milieu hostile, histoire de voir comment ils se débattent. Et François, le professeur de français, débat justement, dans le ring de la classe, prend des coups, se relève et assomme (provisoirement) un adversaire, affichant des failles presque aussi béantes que celles des élèves qui lui font face. C’est dans cette logique rigoureuse de montage que le film trouve son rythme et sa revigorante beauté. La séquence inaugurale est, à ce titre, parfaite : un dernier café dans la main, François se prépare à entrer dans son collège. Chaque mouvement, chaque visage, est scruté comme dans un long round d’observation. Puis le match commence, deux heures durant. Une lutte où chacun joue une partition et d’où certains sortent vaincus (Souleymane), sans que cette microsociété n’en semble affectée. Les derniers plans du film ne disent rien d’autre : quoi qu’il arrive, il faut continuer à vivre, à enseigner, à être ensemble, même si cela a tous les airs d’un perpétuel combat.
Romain Carlioz