Entremets Entremots au Théâtre Nono
Mâcher ses mots, Mets pas que…
Un grand chef lyonnais s’invite à la table des saveurs méridionales, quatre comédiens partagent leurs mots : vous êtes bien au théâtre Nono, vous savourez Entremets Entremots. Eclairage par le menu avec Marion Coutris. Et bon appétit bien sûr !
Naissance du projet
Le projet est né à l’intérieur du Styx Théâtre, compagnie composée de grands gourmets et bien entendu de personnes attirées par les mots et l’image. L’idée que nous voulions expérimenter est l’envie de partager des mets et des mots. Et sachant qu’au cours d’un repas, il y a ce double échange de parole et de nourriture, on a voulu utiliser ce moment que chacun a déjà vécu comme élément central, et non plus comme simple élément scénographique. L’idée est donc d’embarquer en même temps et dans un même espace acteurs et public, au rythme de la dégustation des mets.
La pièce en question
Le rythme de la pièce est donné par la succession protocolaire de neuf plats arrivant dans un rituel quasi trivial. Et en même temps, il y a ce rapport au langage, à la poésie, à tout ce que peut véhiculer le fait d’être ensemble. Dans la pièce, la façon dont est construite la parole est très surréaliste, puisqu’on n’est pas dans un dîner où les personnes s’échangent des propos rationnels. Il n’y a d’ailleurs pas vraiment de dialogue entre les personnages et on ne connaît pas les relations entre eux. Dans ce territoire où les choses se confondent, tout n’est pas tendu par une ligne narrative. Il y a des fenêtres ouvertes sur les réactions du public, des petites histoires, des moments de poésie qui composent avec les gens présents chaque soir, et ça joue énormément sur le rapport qui s’installe autour de la table. C’est ce qui fait l’intérêt du spectacle, et c’est ce qui nous met très en fragilité en tant qu’acteurs.
Le rapport au public
Pour le comédien, être au milieu du public génère une grosse remise en question, car on n’a aucune protection. Sur scène, on fait abstraction du public, mais ici tout peut se renverser. On est quatre comédiens au milieu de soixante-dix spectateurs, et le rapport est subtil à tenir, d’autant plus qu’on ne travaille pas sur des numéros d’acteurs, ni sur un côté spectaculaire. On est sur un rapport à la poésie et il faut l’affirmer, sans lâcher prise tout en restant ouvert en permanence à ce qui peut se passer. Et quand on choisit d’interpeller une personne, il faut être vigilant à ce choix. Si on ne le fait pas, on peut créer une gêne, et c’est très déstabilisant pour nous.
Le repas en question
Pourquoi manger ensemble ? La question traverse tout le spectacle. Comme tous les animaux, on a besoin de se nourrir, mais quelque chose de propre à la condition humaine fait que nous suivons un protocole bien spécifique, subtil, même si aujourd’hui il a tendance à se simplifier. La pièce interroge la pratique du repas très convenue dans sa forme sociale et très personnelle en même temps puisqu’elle évoque pour chacun quelque chose d’intime. Il s’y croise des pratiques et des tas de rapports entre les gens, allant du politique au poétique : rapport amoureux, rapport de pouvoir, business, fête, boulimie, anorexie…
Collaboration avec Bocuse
La rencontre avec l’Institut de Formation Bocuse s’est faite par hasard, lors d’une tournée. Les jeunes chefs et les apprentis maîtres d’hôtel ont eu envie de tenter l’expérience, et ils se sont éclatés. L’équipe de restauration n’intervient pas dans la scénographie, mais doit être là en permanence pour servir, ajuster, vérifier les allers et venues des plats et le bon déroulement du dîner.
Entremets Entremots
On a constaté des points communs entre la haute gastronomie et le théâtre comme cette espèce de coup de feu où les choses doivent être là au moment juste. On n’a pas le droit à l’erreur et il faut tout assumer pour que clients ou spectateurs soient satisfaits ; avec ce rapport très fort « ici et maintenant ». Comme les grands metteurs en scène, les grands chefs visent l’excellence, sont très perfectionnistes et très tendus avant ce coup de feu. D’ailleurs, le menu est réfléchi comme une création, en tenant compte de l’endroit où se joue la pièce, de la saison, de la disponibilité des produits locaux, et d’ingrédients susceptibles de plaire au plus grand nombre.
Le plus grand nombre, c’est aussi le nombre de plats. Mais pourquoi neuf plats ? Quelle est la symbolique du neuf ? La réponse dans votre assiette.
Propos recueillis par Yves Bouyx
Entremets Entremots : du 8 au 20/06 au Théâtre Nono (35 traverse de Carthage, 8e). Rens. 04 91 75 64 59 / www.theatre-nono.com