L’entretien | Marina Cars

De « one woman show », son spectacle n’a que le nom. Dans Nénettes, Marina Cars jongle entre différents personnages féminins hauts en couleur, jouant du cliché jusqu’à l’excès. Entretien avec l’humoriste, à quelques encablures de son spectacle à l’Espace Julien, sur une invitation de l’Art Dû.

 

 

Sur scène, Marina Cars nous transporte dans le quotidien des vendeuses de prêt-à-porter, des coiffeuses et des manucures, donnant à voir les coulisses de ces entreprises avec un humour grinçant. Après tout, les poncifs ont la vie dure, et ce jusque dans le dictionnaire : « Nénette » définit aussi bien une femme… qu’un chiffon pour lustrer la voiture.

Mais derrière ces personnages caricaturaux, les sketches ont une saveur de réalité, car elle les construit à partir des anecdotes de sa communauté virtuelle. Sa recette clé ? Le choc des générations entres ses deux « nénettes » emblématiques : Mélanie, la petite jeune au caractère bien trempé, et Jenyfer, la quinquagénaire pleine de zèle. Marina Cars transpose sur les planches ses vidéos humoristiques, qu’elle partage sur les réseaux sociaux depuis les confinements et qui totalisent des milliers de vue. Mimiques, gestuelle et accent — sans parler des perruques et des costumes dans les sketchs filmés —, le grotesque du jeu provoque le fou rire tout en rendant ses interprétations délicieusement « atta-chiantes ».

 

 

À quoi ressemble votre parcours ?

Je viens de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, dans le Nord-Est. J’ai toujours fait beaucoup de danse et beaucoup de théâtre. Après mon bac, je me suis installée à Paris pour faire une école de cinéma. J’avais dix-huit ans. Il y avait une section actorat ; on travaillait l’art dramatique, c’était pour être comédienne, pour jouer au théâtre, dans des films. Je ne pensais pas du tout devenir humoriste. Sauf qu’après, il fallait évidemment passer des castings, se faire connaître, démarcher les agents, et cætera… C’est quelque chose qui me mettait mal à l’aise. Je n’arrivais pas à me vendre. Mais j’ai découvert que j’aimais bien faire de l’impro. J’adorais faire rire. C’est comme ça que j’en suis venue au stand-up. Après, cette école, j’ai commencé à écrire des sketches que j’ai pu tester dans des scènes ouvertes à Paris, sur des plateaux d’humour comme le Comedy Club, le Paname Art Café… Et puis voilà. Petit à petit, j’ai écrit une, puis cinq, puis dix minutes. Jusqu’en 2010 ; là, j’ai écrit mon premier spectacle.

 

 

Il parlait de quoi, ce premier spectacle ?

C’était du stand-up, ça parlait de ma vie. À l’époque, j’avais vingt-trois ou vingt-quatre ans. Je parlais justement de mes cours de théâtre. Je jouais une prof de théâtre, une conseillère d’orientation aussi. Un peu de personnages, un peu de stand-up.

 

 

Aujourd’hui, vous vous définiriez plutôt comme comédienne ou comme humoriste ?

J’ai envie de dire les deux. Le spectacle d’avant, en 2018, ce n’était que du stand-up. Je racontais ma vie, je faisais des blagues au public. Pour Nénettes, je suis revenue un peu à la base pour moi, c’est-à-dire au fait de jouer des personnages. Sauf que… Les personnages sont en stand-up. C’est à dire que je parle au public, c’est juste que je me cache derrière des personnages féminins. Cela dit, Nénettes commence en stand-up avec moi, Marina. C’est un peu comme si je faisais ma première partie !

 

 

Vous travaillez seule ou en équipe ?

Je suis vraiment toute seule, toute seule. Heureusement, j’ai les réseaux sociaux qui permettent de me faire connaître avec mes vidéos, de communiquer sur le spectacle et de louer des salles. Je suis la com’ : sans affichage, juste moi et mes réseaux. Dans certaines villes, c’est suffisant, dans d’autres non. Je n’ai pas d’attaché de presse non plus. Je suis vraiment seule, mais c’est ce qui me plaît aussi. Je me sens vraiment libre. En plus, maintenant, j’habite à La Réunion. En gros, je viens trois fois par an en métropole.

 

 

Comment se passe votre tournée ?

Je joue en gros trois ou quatre fois dans la semaine. J’essaye de mettre les villes l’une à côté de l’autre quand je planifie. Le reste du temps, je vais chez mes parents parce qu’évidemment, j’ai rendu mon appartement à Paris. Ça me permet à la fois de voir les gens que j’aime et de travailler, de faire mon spectacle : c’est à un équilibre qui me convient. Avant, quand je vivais à Paris, ça me stressait de jouer toutes les semaines, de devoir remplir les salles toutes les semaines… Maintenant, c’est un autre rythme, que je préfère. Je joue dans des salles plus grandes, à Paris par exemple j’ai joué au Grand Point-Virgule.

 

 

Quel est le profil des spectateurs et des spectatrices de Nénettes ?

Le profil, c’est le même que ma communauté sur les réseaux : beaucoup de femmes de tous les âges. Et beaucoup d’hommes de la communauté gay aussi ! Dans mes sketches, je parle beaucoup de métiers comme les salons de coiffure, Sephora, les vendeurs et les vendeuses de vêtements. Sans aller dans le cliché, il y a beaucoup d’hommes gays qui travaillent dans ces milieux. Ceux et celles qui viennent se sont souvent reconnus dans les vidéos. Ah, et aussi les mecs des filles qui viennent voir mon spectacle ! Même si on les a un peu forcés, ça va, à la fin, ils rigolent. Ce n’est pas un humour où ils s’en prennent plein la gueule, non plus. C’est le créneau de beaucoup d’humoristes femmes de parler de féminisme, des inégalités hommes-femmes, et cætera… Moi, je suis pas trop là-dedans.

 

 

Quelles sont vos inspirations pour les créer ?

J’ai fait beaucoup des métiers dont je parle dans mes sketches. J’ai eu tout un tas de jobs dans les métiers de vente : j’ai travaillé pour The Kooples, aux Galeries Lafayette, au Bon Marché — je vendais des bijoux. Mes personnages, ce sont les clientes que j’ai eues. Et c’est des clientes qu’on retrouve au salon de coiffure, qu’on retrouve partout. C’est aussi, sans faire exprès, inspiré de ma mère. Surtout le personnage de Jenyfer ; je l’ai faite comme ça, sans y penser. C’est après que mes proches m’ont dit : ça, c’est ta mère ; moi je ne m’en suis pas rendu compte. Et effectivement, il y a des expressions de ma mère.

Il y a un autre personnage, c’est une fille du Nord. Pour elle, l’inspiration, c’est plus les gens de chez moi. Parce quand je suis arrivée à Paris, j’avais un accent très prononcé qui revient très facilement et du coup, je l’utilise pour ce personnage-là. Mais les cours de théâtre — et mes potes qui se moquaient de moi — me l’ont fait perdre. Et j’ai pu travailler la diction, et cætera. Parce que j’avais vraiment un accent très très très fort.

 

 

On vous connaît beaucoup pour vos sketches sur les réseaux sociaux. Vous en avez déjà un peu parlé, mais la vidéo, d’où ça vient ? Comment avez-vous commencé et comment ça se passe au moment de les réaliser ?

Ce genre de vidéo, avec des personnages féminins un peu marrant, j’ai commencé au confinement parce que je voyais qu’il y avait beaucoup de beaucoup de filles qui faisaient des sketches en imitant des femmes. Il y avait aussi les filtres, qui aident à avoir un visage un peu déformé pour prendre de l’âge ou en perdre. Et ça a bien pris ! J’ai vraiment fait ça avec mon téléphone. J’écris avant le petit scénario et j’essaie vraiment qu’il y ait du rythme. Quand je monte, j’essaie toujours de garder ce rythme, des vannes. Mais je ne veux pas non plus que ce soit que du cut sur cut. Je laisse aussi les personnages respirer, je laisse des moments où on les voit réagir sans forcément de mots. Je superpose les voix, je laisse du temps à la réaction… J’essaie vraiment de faire comme un petit feuilleton. C’est pour ça que je tiens vraiment à faire le montage moi-même. Je choisis des métiers ou des situations. Par exemple, j’avais fait une vidéo sur la rupture amoureuse, quelque chose que beaucoup de femmes vivent, beaucoup d’hommes aussi d’ailleurs — et de toutes les générations — et dans laquelle les gens se reconnaissent. D’ailleurs, c’est aussi pour ça que je fais des femmes de plusieurs âges… Même si je ne dis jamais les âges.

 

 

Votre vidéo préférée, c’est laquelle ? Et pourquoi ?

J’ai bien aimé celle sur les managers en prêt-à-porter, parce que je n’ai rien inventé dans cette vidéo. J’ai un peu, entre guillemets, « dénoncé » la manière dont sont considérées les vendeuses. J’ai parlé de la hiérarchie des managers, et des conditions qui sont très difficiles. Je l’ai tourné à la dérision, j’ai mis beaucoup d’humour dedans, mais le fond est vrai. J’ai eu des témoignages de vendeurs qui se sont vraiment reconnus et qui m’ont confirmé que je n’ai rien inventé. Et moi, comme je vous ai dit, j’ai travaillé longtemps pour The Kooples, pour Maje, pour Sandro. Ces boulots que j’ai faits ont été parfois difficiles moralement, c’était vraiment dur et c’est pour ça que je suis vraiment fière de cette vidéo. Ça m’a fait un bien fou de la faire parce que j’ai tout balancé. J’ai même des managers qui ont liké, alors que certains étaient directement visés. Mais ça les a fait rire. Ils ne se sont même pas reconnus et j’ai trouvé ça dingue parce que je les ai tellement détestés pendant cette période…

 

 

Marina Cars, c’est un nom de scène. Pourquoi l’avoir choisi ?

C’était le nom de ma grand-mère paternelle. Je n’ai jamais connu cette femme, mais elle était italienne et s’appelait Angela Cars. Quand j’ai commencé à jouer à Paris, au tout début, sous mon vrai nom, j’avais reçu du courrier chez moi… Mon frère m’a conseillé de prendre un pseudo et il a pensé au nom de notre grand-mère. Je me suis dit que c’était un bon moyen de la faire revivre un petit peu. Et puis je trouve que ça sonne bien, c’est un nom qu’on retient facilement, même ça ne fait pas très italien. Sauf que, comme avant, je faisais des vidéos en voiture — du play-back en voiture – et beaucoup de gens pensaient que je m’appelais Cars à cause de ce concept. Et en fait, pas du tout !

 

Propos recueillis par Léna Rosada

 

 

Marina Cars : le 28/10 à l’Espace Julien (39 cours Julien, 6e).

Rens. : www.espace-julien.com

Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/marinacarshumour