Etonnamment étonnée (Editions Le Bec en l’air)
Comme l’indique sa couverture très graphique, ce beau livre, paru chez les éditions « maison » Le Bec en l’air, se veut une « description de la Friche la Belle de Mai avec de délicats morceaux de fiction dedans ». Exit donc la contextualisation ou la mise en perspective historique et sociale, qui auraient pourtant pu apporter un éclairage sur les mutations successives de ce mastodonte de plus de quatre hectares installé dans le quartier le plus pauvre de France. Ce parti pris du simple regard adopté par l’écrivain Arno Bertina et le photographe Frédéric Leroux n’est pas pour autant dépourvu de charme : qui ne la connaît pas sera sans doute aussi émerveillé — « étonné » — que les auteurs par cette promenade au cœur du bouillon de culture(s) qu’est l’ancienne manufacture de tabac. Arno Bertina traverse ainsi la Friche avec une naïveté parfois touchante, mais par trop souvent excessive, allant jusqu’à s’extasier sur le manque d’accessibilité des lieux, qui « se méritent ». Parallèlement à ce récit (trop ?) bienveillant et poétisé à l’extrême, les photographies de Frédéric Ledoux, pourtant sans fil conducteur apparent, semblent mieux répondre à la promesse de « description » de la couverture, montrant sur des doubles pages les paradoxes de cette « aire de jeux » institutionnalisée mais traversée par la contre-culture, époustouflante la nuit depuis le toit-terrasse mais poussiéreuse, ouverte et frémissante mais incroyablement nébuleuse.
CC