Enjoy the silence

Juste après l’interdiction de la Rue du Rock, vient d’être inaugurée à l’Alcazar l’expo Marseille, ville rock. Dans la cité phocéenne, le rock, c’est sur les murs, pas dans la rue…

En 2014, le Carnaval de la Plaine avait été sévèrement réprimé. Cette année-là, le Mucem consacrait une expo à la gloire des… carnavals ! N’assisterait-on pas à un remake ? Fin septembre devait se tenir la Rue du Rock, rendez-vous mythique où des dizaines de groupes envahissent la rue Consolat. Mais, pour des raisons de « sécurité », la préfecture dira « niet ». Et voilà qu’est inaugurée en grande pompe l’expo Marseille, ville rock à la bibliothèque de l’Alcazar. Oui, ce lieu où le mot d’ordre, c’est « silence » ! Dans la cité phocéenne, le rock, on l’aime sur les murs, pas dans la rue. Et en version patrimoniale, car l’expo n’évoque ce genre musical que jusqu’en 1980. On est accueilli par une affiche de Rocky Volcano⁽¹⁾, à côté d’un costard des Korrigans, et l’on apprend que le rock aurait débarqué à Marseille en 56. Bref, au-delà de quelques anecdotes (comme l’évocation de Henri Cording, alias Henri Salvador), ça sent la naphtaline. Et l’auto-promo. Car, passé une vitrine où dorment deux guitares, on arrive devant un mur entier consacré au groupe Quartiers Nord. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, puisque le commissaire de l’expo n’est autre que Robert « Rock » Rossi, le fondateur du groupe. Au troisième étage, l’auto-promo continue, avec des plaquettes commerciales (Quartiers nord, la légende du rock marseillais), le livret de 2001, l’Odyssée de l’Estaque et le premier tome de l’ouvrage Histoire du rock à Marseille, signé Rossi.

Pourtant, la conclusion, où est rappelé que « Gaston Defferre s’intéresse à la voile, pas au rock », indique presque là où il faut regarder en citant un article de… 1983 : « Si, en apparence, il ne se passe rien, en réalité, c’est toute une vie grouillante plutôt souterraine que l’on peut rencontrer. » Ne soyons pas injustes : vient de se tenir — avec le soutien de la Ville de Marseille — le festival Skate Punk à… la Friche. C’est vrai que, là bas, les barrières, ça manque pas. En clair, à Marseille, le rock, c’est sur les murs, dans les caves, au loin, mais pas dans la rue…

Sébastien Boistel

Marseille, ville rock : jusqu’au 31/12 à la bibliothèque L’Alcazar (58 cours Belsunce, 1^er).
Rens. : 04 91 55 90 00 / www.bmvr.marseille.fr

1. Chanteur de rock né à Marseille en 1935, auteur du premier 45 tours « officiel » du rock marseillais, Comme un volcan, en 1961[↩]