Grandma’s Dream de Laure Prouvost

No Fear, No Shame, No Confusion à la Tour-Panorama

L’objet de notre affection

 

A la Friche, l’exposition No Fear, No Shame, No Confusion met à l’honneur quatre artistes contemporains ­— parmi lesquels la dernière lauréate du prestigieux prix Turner, Laure Prouvost ­— dont les démarches entrent en résonance. Une invitation aux liens fortuits et au regard décomplexé.

 

Au départ, il y a les œuvres de l’artiste canadienne Liz Magor. Trois artistes contemporains, Jean-Marie Appriou, Laure Prouvost et Andrea Büttner (dont une gravure sur bois datant de 2006 donne son titre à l’exposition), ont été invités à mettre perspective les questions posées par son travail.
La scénographie, simple et fluide, permet la circulation des regards. On trouve derrière un pilier, au détour d’un mur ou encore au sol des clins d’œil formels ou thématiques à une œuvre. Ces renvois tissent une toile entre les œuvres, formant un rébus à réponses multiples dont le fil conducteur est sans conteste l’objet. Quotidien, fonctionnel, mais surtout affectif.
Liz Magor en utilise toutes ses variantes, du ready-made au moulage, pour traiter en filigrane de la surface et de l’interne, et plus largement de l’être et du paraître. Il s’agit de fouiller ses sculptures du regard, de s’imprégner des associations de matières, de se laisser aller à ce que nous évoquent les objets présentés. L’exposition s’ouvre sur une installation, One Bedroom Apartment. Tel un Tetris géant, l’œuvre est un entassement de livres, de cartons, de meubles, le tout amoncelé sur dix mètres carrés : le résultat d’un emménagement.
Le ton est donné : entre le caché, le recouvert, il s’agit de voir ce qui n’est pas forcément montré de prime abord.
Jean-Marie Appriou se sert de l’objet moulé, créant des mariages formels, des dissonances élégantes de matières. Disposés sur une poutre de bois, des vases et des lambeaux de fourrure disent le chaud et le froid dans une disposition qui relève presque du design scandinave.
Andrea Büttner réfléchit quant à elle au statut de l’objet d’art. Fallen Lassen est une série d’instructions sur un papier plié qui détaille la réalisation d’une œuvre. Mécaniquement, l’artiste s’est astreinte aux manipulations décrites et exposées sur cette notice, qu’elle a elle-même rédigée. Un acte simple dont les résidus sont des épluchures de clémentines, exposées à même le sol, et qui posent la question de ce qui fait art, et de qui le fait.
Le parcours se boucle sur le travail de Laure Prouvost, lauréate en décembre du prestigieux prix Turner. L’artiste présente l’installation Sculpture of Grandma, qui mêle le récit et l’image pour créer de toute pièce une mythologie familiale. Avec beaucoup d’humour, Laure Prouvost filme les mains de son grand-père sculptant une sculpture de son épouse, tout en racontant la vexation de cette dernière. En effet, la sculpture présentée est un agglomérat de plâtre grossièrement scotché. Elle utilise ainsi le potentiel de l’objet-sculpture et lui insuffle une aura affective. Une démarche plutôt rare dans l’art contemporain.

Adèle De Keyzer

 

No Fear, No Shame, No Confusion : Expo proposée par Triangle France jusqu’au 2/02 à la Tour-Panorama (Friche La Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e).
Rens. 04 95 04 96 11 / www.trianglefrance.org/fr/