Les Féeries du Pont : Feux gaulois au Pont du Gard
Dans les feux de l’action
Voilà vingt-cinq ans que le Groupe F parcourt le monde pour offrir sa magie à ceux et celles qui veulent bien lever la tête. Grâce à lui, Romains et Gaulois se rencontreront cette année dans la bonne humeur, au Pont du Gard, pour un moment qui s’annonce féerix… Explications.
Créé en 1990 et installé dans le Domaine de Boisviel au Mas-Thibert sur la commune d’Arles, le Groupe F aurait pu être un ensemble de viticulteurs proposant des vins recherchés. Renommé, il l’est assurément quand on regarde son agenda, entre fêtes nationales de différents pays, passage à l’an 2000 sur la Tour Eiffel, Jeux Olympiques, Exposition universelle de Lisbonne, ou encore animations lors des coupes du monde de football… Toutes ces représentations ont bien été des grands crus. Mais de même qu’il n’existe pas de petits vins, leurs œuvres proposées pour les fêtes de Martigues, d’Arles, ou encore pour le Pont du Gard (dans le cadre des Fééries du Pont) sont tout autant prestigieuses.
Le groupe pluridisciplinaire d’artistes et techniciens conçoit, produit, et offre des spectacles pyrotechniques et des œuvres théâtrales à ciel ouvert depuis vingt-cinq ans, par le biais de langages artistiques sans cesse renouvelés.
« Comme Obélix », Christophe Berthonneau est « tombé dedans quand il était petit. » Il dirige aujourd’hui cette équipe issue de « la rencontre d’une bande de gens dans un tourbillon qu’on n’a plus pu arrêter ; avec des résultats concrets rapidement, et des projets variés ; autant dans le pointu que dans l’évènementiel. » Les lieux d’interventions ont beau être à chaque fois différents, avec des contraintes naturelles, mais aussi politiques parfois, l’enjeu est toujours le même : « Porter une lumière de droite à gauche de sorte qu’il y ait toujours une justesse, une proximité, avec quelque chose de légitime. » Il faut donc ajouter la poésie à la palette artistique du Groupe F…
A en juger par les œuvres précédemment présentées dans le cadre des Fééries du Pont, comme Magicien d’Eau, Ulysse au Pays des Merveilles et les Mondes Magiques, l’imaginaire est toujours au cœur de leurs spectacles. Cette année, avec Feux gaulois, l’équipe ne dérogera pas à la règle. Ce choix est un clin d’œil à la magie des Celtes et des druides, au rapport de l’homme avec la nature, mais avant tout au site archéologique dans lequel il se produit. En effet, le Pont du Gard a été bâti dans la première moitié du Ier siècle pour assurer la continuité d’un aqueduc romain conduisant l’eau d’Uzès à Nîmes, avant d’être utilisé comme pont routier, et d’être ensuite inscrit sur la liste des monuments historiques en 1840, puis au patrimoine mondial de l’Unesco en 1985. Monter un tel spectacle reste une entreprise très compliquée tant les paramètres s’avèrent nombreux. Aussi, à la mi-mai, tous les détails des représentations de juin n’étaient pas encore connus.
Comment raconter une histoire de Gaulois et de Romains avec des effets pyrotechniques théâtralisés sans prendre parti ? En surface, on pourrait croire que « les Romains envahisseurs représentent l’ordre et les impôts, et sont les méchants qui chassent les gentils Gaulois bons vivants. Sauf que ces derniers ne cessent de boire et de se battre… Qu’est-ce qui est mieux entre l’anarchie ou l’excès de règles ? » Cette difficulté a été contournée en choisissant d’évoquer le rapport au sacré. « Le temps des Romains est celui de la fin des peuples premiers qui avaient un rapport sacré à la nature, et croyaient que la nuit est une hutte laissant passer un peu de lumière blanche (la lune) ; d’où la crainte que la hutte se casse et que le ciel leur tombe sur la tête. » Or, la nature, c’est aussi le feu. Le lien avec la pyrotechnie apparait dès lors évident. Il sera donc ici question d’un légionnaire-constructeur romain qui invite les citoyens à l’inauguration festive d’une grande canalisation. Mais l’apparition d’un orage sévère sera l’occasion de rappeler que les peuples riverains emplis de mysticisme ne sont pas forcément d’accord avec une telle installation.
Même s’il ne communique pas là-dessus, le Groupe F a lui-même une politique de développement durable raisonné, en recyclant tout ce qui est utilisé lors de leurs installations et en pensant écologiquement tout leur système de fabrication. Des hirondelles vont même jusqu’à les saluer en posant leurs nids bienveillants au Domaine de Boisviel. Christophe Berthonneau reste humble, reconnaissant bien ce paradoxe de travailler en pleine campagne, en totale harmonie avec la nature, de poursuivre une politique environnementale exigeante, sans pouvoir maîtriser l’impact écologique des déplacements occasionnés par ses spectacles. C’est surtout par les thèmes choisis que le Groupe F apporte en la matière une pierre à l’édifice des consciences.
La suite est finalement aussi classique que spectaculaire. Le Groupe F continuera d’allier feux d’artifices complexes et spectacles de rue plus simples dans tous les pays comme dans de nombreuses petites villes. Une manière en tout cas pour nous d’espérer, contrairement aux Gaulois, que le ciel nous tombe sur la tête… mais sous forme de feux d’artifices.
Guillaume Arias
Les Féeries du Pont : Feux gaulois : du 3 au 11/06 au Pont du Gard (30).
Rens. : www.pontdugard.fr
Pour en (sa)voir plus : http://www.groupef.com/?lang=fr
Bonus
Petit questionnaire à la Proust adressé à Christophe Berthonneau
Si le Groupe F était…
… un slogan, une phrase célèbre ?
La nuit est belle (slogan du Groupe F) !
… un objet du quotidien qui a traversé les siècles et a encore de belles années devant lui ?
Un foyer. C’est à dire là où tu fais le feu avant que la lumière ne s’étende et éclaire les gens rassemblés autour.
… un conte pour enfant qui plaît aux grands.
Bien qu’il soit triste, je choisirais Le Petit Prince pour son côté merveilleux et sa « petite mort » après laquelle les étoiles persistent. Un peu comme une activité éphémère qui remue une émotion reliée à la lumière et nous donne envie de pleurer de beauté.