Festival Aflam
Portraits d’Orient
La dixième édition du Festival Aflam, consacré aux cinématographies des pays du Maghreb et du Proche-Orient, nous est présentée du 17 au 26 mars dans une poignée de lieux de la cité phocéenne. Une manifestation d’excellence à ne manquer sous aucun prétexte, afin de continuer à s’accorder au monde.
Dans les (dés)équilibres géopolitiques actuels, les pays du Maghreb et du Proche-Orient témoignent depuis maintes années déjà d’un agissement de notre monde (révolutions, conflits, transformations sociétales, définitions de l’altérité, questionnements des frontières), profondément révélateur des forces qui animent toutes les sociétés du globe. Nous serions même tentés de préciser qu’il en est ainsi depuis plusieurs millénaires. Mais l’accélération de la globalisation de l’économie-monde, des puissances politiques, de l’information collective et des interactions de luttes fait que les événements qui secouent cette partie de la planète nous relient, toutes et tous, intimement. Et l’une des plus fantastiques représentations des enjeux sociaux et politiques alors en mouvement, dans sa conscience la plus élargie possible, pourrait bien être le cinéma lui-même, témoin et parfois acteur des récits de vies : il est impressionnant de constater à quel point l’écriture fictionnelle, mais également le renouvellement du geste documentaire — nous l’évoquons bien souvent dans ces colonnes — permettent d’affirmer que les cinématographies des pays du Maghreb et du Proche-Orient se révèlent des plus passionnantes aujourd’hui. Un événement majeur permet chaque année d’en témoigner au sein de la cité phocéenne : avec son festival, Aflam conjugue l’histoire en cours avec l’excellence d’une programmation captivante. Pour sa dixième édition, la manifestation s’ancre derechef dans une poignée de lieux d’accueil marseillais, au Mucem d’une part, coproducteur de l’événement, mais également au Videodrome 2, à la Baleine, au Gyptis, aux Variétés et au Polygone Étoilé. À l’instar des éditions précédentes, une rétrospective constitue l’une des colonnes vertébrales de la programmation : cette année, c’est « le cinéaste incontournable de l’histoire du documentaire arabe » qui sera ainsi mis à l’honneur, Omar Amiralay, réalisateur syrien qui sut poser, lors des dernières décennies du siècle passé, un regard critique et intelligent sur l’évolution des sociétés, au point d’être frappé d’une interdiction de diffusion dans son propre pays, le contraignant à l’exil. De La Vie quotidienne dans un village syrien, en 1972, à L’Homme aux semelles d’or, en passant par Il y a tant de choses encore à raconter, Omar Amiralay fut internationalement loué pour une liberté de ton rare. Le cinéma palestinien, et en filigrane l’un des plus longs conflits modernes, s’enlisant depuis près de quatre-vingts ans, sera lui aussi à l’honneur, particulièrement avec la masterclass de Mohanad Yaqubi, qui, avec son collectif Subversive Films, et dans le cadre du projet Tokyo Reels, exhume des archives filmiques palestiniennes pour mieux interroger l’histoire et rendre hommage aux mémoires. Sa présence sera l’occasion de la projection de son dernier film, R21 AKA Restoring solidarity. Car l’équipe d’Aflam est parvenue, cette année encore, à égrener sa programmation de très nombreux.ses invité.e.s, lors de séances uniques, souvent en avant-premières. Ce sera le cas de La Dernière Reine, en présence de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, de Soula de Salah Issaad ou d’Alam, accompagné du réalisateur Firas Khoury. Sans oublier l’avant-première du nouvel opus du formidable cinéaste libanais Wissam Charaf, Dirty, Difficult, Dangerous, qui viendra ultérieurement présenter son film en région. Autre récit parallèle de cette édition, la programmation qui accompagne l’exposition Alexandrie, futurs antérieurs, avec un café-ciné en présence de Mark Lotfy, Mohamad El Hadidi et Ahmed Nabil, et les séances de Souad ou Shall I Compare You to a Summer’s Day ? de Mohammad Shawky Hassan. Enfin, de nombreuses propositions viennent enrichir un programme exaltant, des portraits documentaires en résistance aux ateliers de médiations, sans oublier les rendez-vous festifs, telle la soirée avec deux dj sets afin de fêter collectivement les dix ans de ce festival absolument essentiel au cœur de la cité marseillaise.
Emmanuel Vigne
Festival Aflam : du 17 au 26/03 à Marseille.
Rens. : www.aflam.fr
Le programme complet du Festival Aflam ici