La Cie Rassegna. Crédit photo : Damien Tomasi

Festival CaravanSérail

L’usage du monde

 

En persan, le caravansérail est un abri pour les voyageurs où s’arrêtent les caravanes. C’est aujourd’hui un festival, CaravanSérail, qui transpire d’intelligence.

 

Les festivités débuteront le vendredi avec une fanfare de cornemuses, L’Alerte Rouge, pilotée par Éric Montbel, pour incendier l’humeur du public tout en s’insinuant parmi lui.

Viendra ensuite le tour d’Enco de Botte, nom d’un quartier de Marseille où se situait l’auberge de monsieur Botte, mais aussi le lieu de rassemblement de chanteurs qui avaient l’habitude de « bœuffer » sur des répertoires issus des différents coins de l’Occitanie. Ils polyphonent en occitan et en corse, accompagnés de percussions occitanes, latines et orientales. Enco de Botte vient de sortir un disque, Castèls en l’aire, enregistré par Christophe Del Sasso et qui comporte des compositions et arrangements du groupe, mais aussi, entre autres, de Lionel Belmondo et Gil Aniorte.

En avant-dernière place : le Kalliroi FadoRebetiko Project, initié par la chanteuse grecque Kalliroi Raouzeou et qui rassemble Jean-Marc Gibert au bouzouki, Jérémie Schacre à la guitare et Nicolas Koedinger à la contrebasse. Ils nous proposent un répertoire de fado et rebetiko composé de chansons populaires réarrangées. Le fado est un genre musical à thème pour instruments à cordes pincées, qui prend ses racines dans les quartiers populaires de Lisbonne au Portugal. Le verbe portugais fadar signifie « prédestiner ». Le fado exprime, entre autres, les petites histoires du quotidien, la jalousie, la nostalgie du passé (saudade, qui veut dire « tristesse »), le chagrin ou l’exil. L’exil est aussi exprimé dans le rebetiko grec. Jacques Lacarrière écrit, en 1976 : « Pour moi, c’est d’abord cela, le rebetiko : une atmosphère autant qu’un chant, les visages silencieux et marqués autant que des danses et des cris, des odeurs mêlées de vins résinés… de mégots refroidis. » Kalliroi FadoRebetiko Project vous prendra aux tripes et saura vous faire couler une larme au bord des cils.

En clôture de soirée, Ruben Paz y Cheverefusion s’empareront de la scène en plein air du Théâtre Silvain. Ruben Paz, chef d’orchestre, saxophoniste et flûtiste, compositeur et arrangeur, colorie des morceaux de salsa, cha cha cha, rumba cubaine et timba qu’il mélange allègrement dans une même chanson, et qu’il teinte par les couleurs bleues du jazz et le percussif du funk. Il estime que sa musique « est un bon compromis entre modernité et tradition » et qu’il « veux rassembler toutes les générations ». Au sein de l’orchestre, vous retrouverez le tresero marseillais Boris Sudres qui, grâce à ses montunos bien savoureux, sait embellir le groove du band. Le tres, instrument emblématique du genre musical cubain, est une sorte de guitare à la sonorité très particulière, par le fait qu’il faille frapper ses trois doubles cordes de façon très rythmique. En haut de l’affiche : la Cie Rassegna « interroge depuis près de quinze ans les patrimoines musicaux de Méditerranée » depuis Marseille, fenêtre de premier ordre. Véritable super-groupe aux formes mouvantes, la Compagnie oscille actuellement entre des répertoires siciliens, espagnols, algériens et occitans. Remarquons, aussi, le jeune timbalero cubain Rafael Ginisioqui, qui a rajouté une caisse claire à ses timbales et qui se cale si justement à propos sur les congas d’un autre Cubain, Yoandy San Martin. Au chant, le Vénézuélien Hanoi Padron qui, malgré sa jeunesse, a un groove ineffable et mène le show de façon magistrale. Le tromboniste Matthieu Maigre ajoute ses mambos très jazzy. Ruben Paz y Cheverefusion, c’est aussi, détail qui a son importance dans sa relation avec le public, des musiciens accessibles et humbles.

Trio Crosswind ouvrira samedi la soirée avec Tiarnan O’Duinnchinn à la uilleann pipes, célèbre cornemuse irlandaise dont le nom vient de la langue gaélique, Tom Broadbent à la guitare, et Christian Fromentin au violon. Leurs chemins serpentent à travers des répertoires chantés et instrumentaux des traditions anglaises, françaises, irlandaises, américaines (cajun, bluegrass, swing, country-blues, folk) et de quelques compositions aux textes souvent engagés dans la tradition des troubadours modernes.

Suivra Tchoune Tchanelas, qui mélange de la rumba catalane au flamenco. Ils nous présenteront un nouveau projet avec trois danseuses sur scène. Et pour finir en beauté, le Trio Simon Bolzinger avec, en invité, Victor Cova Correa. Un quartet tout en finesse et harmonie intense qui vous transportera dans leur univers imagé, drôle, poétique et teinté de clave.

Le quartet présenté ce soir-là sera composé de  Willy Quiko, Lucas Scalambrino, Victor Cova Correa et bien sûr Simon Bolzinger. Willy est un contrebassiste d’origine guadeloupéenne et sicilienne qui réussit avec brio au sein de formations jazz et classique. Lucas Scalambrino, sicilien et féministe, si léger et tout en nuance à la batterie, d’une formation musicale solide, intègre de nombreuses formations du grand Sud, avec une très grande ouverture dans tous les styles, allant de la musique traditionnelle méditerranéenne, africaine ou indonésienne, au jazz, en passant par la chanson, le reggae et la pop. Victor Cova Correa reste un chanteur vénézuélien de Caracas au verbe agile et engagé. Il est à la limite du déclamatoire et de l’improvisation presque chantée, poétique et humoristique. Il improvise autour de contes latino-américains symboliques, des situations qu’il a vécues dans un passé proche, ou celles qui se déroulent sous ses yeux. Et pour lier le tout, Simon Bolzinger, le légendaire monteur de tumbaos marseillais, martèlera son piano en clave, se promenant pour ce projet sur les chemins sinueux du jazz.

 

Catherine Moreau

 

Festival CaravanSérail : le 16 & 17/06 au Théâtre Silvain (Chemin du Pont / Anse de la Fausse Monnaie, 7e).
Rens. : www.festival-caravanserail.com

Le programme complet du festival CaravanSérail ici