Le Moine noir d’Anton Tchekhov par Kirill Serebrennikov

Festival d’Avignon

Rêves, errances

 

Le Festival d’Avignon décline sa soixante-seizième édition du 7 au 26 juillet, la dernière dirigée par Olivier Py avant la très attendue arrivée du comédien, auteur, metteur en scène Tiago Rodrigues. Engagement, paroles de femmes et histoire intime seront au programme de son adieu.

 

 

Le rideau se ferme sur la direction d’Olivier Py. S’il n’a pas voulu faire une édition bilan, sa programmation revêt les couleurs de ce qu’il a mis en place durant cette dizaine d’années passées à la tête du Festival d’Avignon. Notamment un fort engagement politique, dont témoigne l’ouverture du festival dans la Cour d’honneur du Palais des Papes avec une pièce hautement symbolique, Le Moine noir d’Anton Tchekhov, une nouvelle fantastique adaptée par le metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, bête noire de Vladimir Poutine désormais installé à Berlin. Olivier Py a toujours pensé le Festival comme un reflet du monde… Deux journées exceptionnelles seront d’ailleurs consacrées à l’Ukraine dans le cadre des Ateliers de la pensée. Et en clôture du festival, un cabaret féministe réunira, le 26 juillet à l’Opéra Grand Avignon, sous la houlette de son alter ego féminin Miss Knife, les Dakh Daughters, groupe punk fondé à Kiev il y a dix ans par six jeunes femmes, et la chanteuse béninoise Angelique Kidjo. Une façon de souligner son attachement à la question du genre. À l’instar de son invitation au danseur, chorégraphe, performer et chanteur François Chaignaud, qui présentera sa nouvelle création, Tumulus, à la Fabrica, un spectacle mené avec Geoffroy Jourdain, directeur des Cris de Paris.

Dans son édito, Olivier Py souligne l’importance de la jeunesse comme successeur d’écriture de l’histoire : « Chaque génération assiste à la fin d’un monde et au commencement d’un autre. Entre les deux, c’est une pagaille, une cacophonie, un théâtre inachevé. Il appartient à chaque génération, peut-être de changer le cours du destin, mais surtout d’inventer son propre récit. Que le Festival d’Avignon soit toujours le lieu de la jeunesse, de la parole et de ce qui vient. »

Le directeur présente d’ailleurs au Gymnase du lycée Aubanel Ma jeunesse exaltée, « une pièce de transmission », qui dure dix heures de moins que les vingt-quatre heures de La Servante, qui l’a fait connaître, mais de quoi passer une dernière nuit ensemble.
Au-delà des pépites et des grands noms (Serebrennikov, donc, mais aussi l’Iranien Amir Reza Koohestani), cette dernière édition se décline dans une volonté de retrouver des « récits vrais » : « À l’époque des fake news et de la réécriture des événements historiques, il n’est plus une question d’interprétation mais de vie ou de mort. Le théâtre, parce qu’il est un art vivant sans écran interposé, parce qu’il est un art dialectique aussi, joue un rôle politique fondamental. »
Pour sa fin d’histoire avec le Festival, Olivier Py se place sous l’égide de l’éternelle formule qui démarre tous les contes, légendes et histoire de la création : « Il était une fois… ». Une façon de remettre la narration, le texte, les mots, au-devant de la scène. D’ailleurs, la transition avec son successeur Tiago Rodrigues se fera par la voix de ses textes d’auteur. La metteuse en scène Anne Théron a ainsi bâti son spectacle Iphigénie (à l’Opéra Grand Avignon du 7 au 13 juillet) à partir d’un texte de l’acteur et metteur en scène portugais.
Du côté de la danse, les promesses s’avèrent enthousiasmantes, d’Ali Chahrour à Amala Dianor, en passant par Miet Warlop et Oona Doherty. Le chorégraphe flamand Jan Martens, qui a marqué l’édition précédente avec son sublime Any attempt will end in crashed bodies and shattered bones, créera immanquablement l’événement avec Futur Proche, conduit par Grip House, qui s’associe aux danseurs de l’Opera Ballet Vlaanderen et à la claveciniste Goska Isphording pour investir la Cour d’honneur. Le retour d’un corps de ballet dans ce lieu est porteur de belles émotions, d’autant plus qu’il est associé à un instrument qui a changé la vision chorégraphique de Jan Martens depuis ses deux derniers spectacles, et plus précisément Elisabeth Gets Her Way (une rencontre déterminante avec le travail de la claveciniste polonaise Elisabeth Chojnacka, dont Goska Isphording était l’élève).

Quarante-six spectacles, dont quarante créations, rythmeront cette année ces vingt jours de théâtre regardé par le monde entier et qui parle du monde comme aucun autre.

 

Marie Anezin

 

Festival d’Avignon : du 7 au 26/07 dans la Cité des Papes.

Rens. : www.festival-avignon.com