Bords abords

Consacrée aux cités en marge, la nouvelle édition du festival Image de Ville investit de nombreux lieux de projections au cœur d’Aix-en-Provence, Marseille, Martigues et Port-de-Bouc, proposant un regard sémillant sur l’espace urbain.

L’espace urbain vu par le prisme du cinéma se décline depuis cent vingt ans telle une vision kaléidoscopique toujours réinventée. L’image en mouvement a accompagné de tout temps celui de la ville en continuelle mutation. De là à considérer que l’industrie cinématographique entre en résonnance avec la marche de la cité, il n’y a qu’un pas, que franchit depuis de nombreuses années maintenant l’équipe d’Image de Ville, qui nous offre à chaque entrée d’hiver l’une des plus belles et des plus intelligentes manifestations qui soient. Le festival du film sur l’architecture et l’espace urbain dépasse, et c’est bien là sa pertinence, le simple cadre de la projection de films. Il interroge, met en perspective, assemble et développe, croise enfin les regards, sur ces lieux de vies communs qui se construisent en parallèle, ou en confrontation, des citoyens qui la composent. La thématique abordée cette année, à l’instar des éditions précédentes, brille par la concordance des mouvements mêmes de la ville contemporaine : quid des marges, des villes aux abords, en d’autres termes, où la ville demeure-t-elle la ville ? A un journaliste qui qualifiait Jean-Luc Godard de cinéaste marginal, ce dernier répondait fort justement : « La marge, c’est ce qui tient les pages ensemble. » Une réflexion qui devient alors fondée pour l’espace urbain. Afin d’alimenter cette réflexion, l’équipe d’Image de Ville a donc décidé d’inviter, durant ces dix jours, près d’une cinquantaine de cinéastes, architectes, urbanistes, philosophes, sociologues. Et d’élargir sa programmation au-delà du socle Aix-Marseille, en tentant une incursion à l’Ouest des métropoles, vers Port-de-Bouc et Martigues, qui pénètrent de facto la thématique des villes en marge. En sus des traditionnelles projections et autres tables rondes ou conférences, la manifestation s’ouvre cette année à la création, en développant un projet de résidence accordée au cinéaste tunisien Jilani Saadi, invité à développer un scénario de long-métrage sur le territoire port-de-boucain. Parmi les rencontres exceptionnelles parsemant cette édition, citons celles de Rabah Ameur-Zaïmeche, cinéaste souvent cité dans ces colonnes, la philosophe Marie-Josée Mondzain, Jean-Charles Hue ou Jean-Pierre Thorn, qui présentera, au cinéma Jean Renoir de Martigues, son extraordinaire Je t’ai dans la peau. Côté programmation cinématographique, le cru 2015 d’Image de Ville compte parmi les plus enthousiasmants, à l’instar des opus du duo italien Massimiliano et Gianluca de Serio (I Ricordi del Fiume et Sept œuvres de miséricorde), des films de Régis Sauder, du trop rare Cathy come home de Ken Loach ou de Winou Baba de Jilani Saadi, présenté au Méliès de Port-de-Bouc lors d’une journée marathon. Sans oublier l’avant-première, au Mazarin d’Aix-en-Provence, du magnifique opus de Roberto Minervini, The Other Side, distribué par Shellac. Les regards portés sur les villes en marge prendront également forme via le travail proposé par l’artiste marcheuse Karine Maussière, qui proposera au public d’arpenter les chemins de traverse du territoire.

Emmanuel Vigne

Festival Image de Ville : du 13 au 22/11 à Aix, Marseille, Martigues et Port-de-Bouc.
Rens. : 04 42 63 45 09 / www.imagedeville.org

Programme complet du festival Image de Ville ici