Le calme de la tempète
L’improvisation musicale n’a pas de frontières. Elle n’a pas de terre d’élection définitive. Mi-bruitiste mi-folk, mi-ambient mi-punk, le festival Interface, concocté par Hervé Boghossian et Olivier Maurel, nous propose un voyage au-delà des catégories usuelles.
Contrairement aux apparences, la musique bruitiste a ceci de commun avec l’acoustique qu’elle vise à atteindre une forme pure, claire, une harmonie. En effet, qu’elle soit née du chaos ou bien du vide, cette harmonie formelle est le Graal de la plupart de ceux qu’on nomme, à tort, les musiciens expérimentaux. D’ailleurs, Morton Subotnick n’avouait-il pas, lors de son passage dans le cadre des RIAM le mois passé, que ses « expérimentations » ne sont rien d’autre que de la musique ? Le festival Interface est un cycle de concerts qui correspond à une esthétique déjà proposée depuis un an à Data : électroacoustique, « bruitisme », folk, souvent en solo et en improvisation. Des performances dont l’effet s’avère imprévisible sur les auditeurs. Ainsi, à tous ceux qui souhaitent découvrir cette approche résolument iconoclaste de la performance musicale, nous ne conseillerons pas un concert plutôt qu’un autre. Aux autres, déjà initiés, nous pouvons en revanche lâcher le morceau : le programme s’annonce épique, surtout avec la venue du prince de la noise japonaise, Otomo Yoshihide, invité par l’Embobineuse à l’occasion de la tournée de promotion d’un documentaire. Film qui sera bien évidemment au programme de cette soirée… Parmi les autres immanquables, l’un des plus attendus est déjà passé : le Britannique Robert Hampson a donné un concert d’ambient mémorable, à la fois très propre et très inspirant. Réunissant pour la première fois les Grands Terrains, Data et l’Embobineuse, le festival, chapeauté par le musicien Hervé Boghossian et le programmateur Olivier « Data » Maurel, devrait surtout faire date pour son large spectre d’artistes improvisateurs, bruitistes et acousticiens, venus des quatre coins du monde. Si le langage de la musique était vraiment universel, nous pourrions tous nous revendiquer polyglottes. Mais comme tel n’est pas le cas, nous sommes encore plus susceptibles de nous perdre dans ces maelströms sonores venus de cultures différentes. Et donc — c’est le but — d’être plus heureux que jamais lorsqu’on arrive à y percevoir une forme d’harmonie.
Texte : Jonathan Suissa
Photo : Otomo Yoshihide
Festival Interface : jusqu’au 31/03 à Data (44 rue de bons enfants, 6e), L’Embobineuse (11 Bd Bouès, 3e) et aux Grands Terrains (8 Rue Vian, 6e). Rens : 04 91 50 66 09 / www.lembobineuse.biz