Festival International du Documentaire de Marseille

Festival International du Documentaire de Marseille

Au-delà du réel

Du 2 au 7 juillet, le Festival International du Documentaire de Marseille, le FID pour les intimes, ouvre ses écrans sur le Monde au cœur de nombreux lieux de la cité phocéenne. Un parcours toujours exigeant, embrassant l’essentiel de la production documentaire.

fid-Milestones.jpgParmi ce torrent d’images que nous promettent les nombreux festivals cinématographiques de l’été, rares sont celles qui nous offrent une vision du réel — tronquée, forcément, mais avec intelligence et pertinence — aussi profonde et salvatrice qu’au cœur de la programmation du Festival International du Documentaire. Comme le précisait Debord, nous ne trouvons pas ce que nous désirons, nous désirons ce qui s’y trouve. « L’ombre du reflet du Monde », ou la représentation — et non la restitution — du réel nous fait désirer ce réel, au-delà des frontières, des genres, des sensations, voire des rêves. Six jours pour une programmation transgenre d’une grande richesse, où se mêlent compétition (inter)nationale, rétrospectives, cartes blanches, tables rondes ou autres séances spéciales. Car cette nouvelle édition vient confirmer une tendance déjà forte lors des précédentes : quitter le genre, le décliner, le croiser, le transgresser, mais le réinventer sans cesse. D’où de nombreuses embardées au sein du cinéma expérimental, de la fiction, du journal filmé, un magma fusionnel d’où se dégage l’essence même du cinéma protéiforme : la pensée du Monde. Dont acte avec une compétition internationale et nationale, qui de prime abord nous laisse imaginer de belles surprises, de grands instants de grâce documentaire, avec ce souci toujours croissant de la part de l’exigeant Jean-Pierre Rehm de présenter les œuvres en première — mondiale ou nationale. On y croise quelques noms connus — Leila Kilani, Vladimir Leon — l’excellent réalisateur du Brahmane du Komintern —, l’incontournable Henri-François Imbert et le très attendu Temps des amoureuses, le « cinéaste paysan » (sic) Pierre Creton, et quelques belles promesses, subtil mélange des saveurs entre cinéastes aguerris et premières œuvres. Les écrans parallèles reviennent quant à eux sur quelques incontournables du mélange des genres, trop rares sur les écrans — a fortiori phocéens. C’est le cas de l’immense Robert Kramer, Diogène contemporain en réinvention totale des formes cinématographiques, dont le Festival nous offre une sublime rétrospective. De Notre nazi à Milestones, la quête d’un homme, d’une œuvre aux prises depuis la fin des années 60 avec les paradoxes du Monde, parfois les siens, en perpétuelle recherche d’une essence humaine diluée dans les bouleversements de l’Histoire, l’un des rendez-vous incontournables de cette édition. Par ailleurs, si vous n’avez pu assister il y a quelques années à l’hommage Zanzibar concoctée par les regrettés feu XHX — structure marseillaise de diffusion de cinéma expérimental —, le FID vous propose une seconde chance magistrale de découvrir cette expérience radicale et séminale du cinéma français conduite par un Philippe Garrel en retombée d’acide post-soixante-huitarde et entouré entre autres de Zouzou et Jackie Raynal, tous trois présents pour nous faire revivre cette expérimentation visuelle hors normes. D’autres rendez-vous essentiels sont à l’affiche de cette dix-neuvième édition : de la carte blanche à Jean-Pierre Gorin — cofondateur avec Jean-Luc Godard du groupe Dziga Vertov — et sa vision, via une sélection éclairée, d’une certaine Amérique, à l’écran parallèle de circonstance « Traduire l’Europe » — nous offrant une certaine représentation du Continent —, la richesse de ce Festival phare ne se démentira certes pas cette année, et promet de nourrir plus avant le besoin vital de nos consciences à saisir la marche du Monde.

EV