Festival International du Film Chiant
Découvertes chiantifiques
Après le « hold-up » de l’édition test en 2012 (deux projections, deux mille articles…), le trublion Emmanuel Germond déploie une programmation foisonnante et franchement ambitieuse aux quatre coins de la ville pour le (véritable) premier Festival International du Film Chiant.
L’engouement déclenché l’année dernière par la simple annonce de la première édition, à Marseille, du Festival International du Film Chiant, deviendra sans nul doute un cas d’école. Deux soirées aux Variétés, une appellation limite situationniste, une bonne dose d’autodérision et de punk’n’roll, et voilà la presse (inter)nationale enfiévrée, l’événement atteignant les plus hautes sphères des médias, des Grosses Têtes de Bouvard aux émissions de Ruquier ! Un succès surprenant — mais amusant — pour l’intéressé lui-même, qui remet le couvert cette année, avec un programme largement plus ambitieux, sans se départir cependant de son irrévérence bienvenue dans un monde culturel souvent trop sérieux. En véritable chien fou (vache folle ?), Emmanuel Germond investit de nombreux espaces de la ville avec une programmation de qualité, qui réservera un beau lot de surprises. Coup d’œil subjectif.
Chiant, prise 1
Après un apéro d’ouverture dans la rue Chiant (comprenez Vian), avec le Vidéodrome 2 et Les Grands Terrains, ce sont les Variétés qui accueillent de prime abord toutes les projections chiantes, avec près d’une vingtaine de films sur trois jours. Aux côtés des grands classiques que sont Five Obstructions de Lars Von Trier ou Julien Donkey Boy d’Harmony Korine, le spectateur chanceux pourra découvrir de véritables petites perles, comme le film d’animation Please Say Something, le documentaire Enjoy Poverty, ou encore Vent solaire et A story for the Modlins. En grand amoureux des vaches paissant dans les prairies hexagonales, Emmanuel Germond nous propose une spéciale « Dimanche à la campagne », où figurera en point d’orgue le bien nommé Bovines d’Emmanuel Gras, soit une contemplation d’une heure cinq, loin d’être vacharde, sur le monde rural où règnent en maîtresses de cérémonie les diverses races de bovidés !
Chiant, prise 2
Débat avril, le FIFIC se baladera alors dans divers lieux de la ville, comme le Temple Protestant de la rue Grignan (voir ci-dessous), la Citerne du Panier ou l’Embobineuse. La Friche accueillera de son côté une battle de montage, sous forme d’un ping-pong malin entre deux monteurs-réalisateurs qui s’échangeront, en direct, leur kyrielle de samples vidéo. Le cinéma Pathé Madeleine proposera de son côté la projection du chef-d’œuvre de Béla Tarr, Les Harmonies Weirckmeister, film-somme magistral de deux heures et demie. At last but not least, le Daki Ling entrera dans la danse avec une soirée réservée aux courts-métrages (Petits mais déjà chiants !), tandis que l’Alhambra proposera de découvrir — six mois avant le reste du monde — le film atypique de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, Leviathan (dont la bande-annonce en dit long…), précédé de Free Radicals, un documentaire passionnant sur l’histoire du cinéma expérimental vue par les yeux d’un spécialiste du genre, Pip Chodorov.
Chiant, prise 3
Tout festival se doit aujourd’hui d’avoir sa sélection réservée aux minots, et Emmanuel Germond ne s’en prive pas, avec, toujours à l’Alhambra, une séance cinéma… ennuyant ! Au programme, le trop rare Alice de Jan Svankmajer, une version hypnotique, et sans doute la meilleure, du chef-d’œuvre de Lewis Caroll.
Emmanuel Vigne