Fil Rouch

Le Festival international du film ethnographique Jean Rouch s’invite derechef au Mucem, pour quatre jours de découvertes cinématographiques qui embrasseront une vaste vision du monde, en présence de nombreux·ses invité·e·s.

Il faudrait une œuvre-somme pour définir précisément l’influence exercée par l’ethnologue-cinéaste Jean Rouch, non seulement sur les gestes cinématographiques documentaires des cinquante dernières années, mais également sur la formation à la fabrication de l’image en mouvement, jusqu’au développement des regards portés sur le travail de documentaristes internationaux. Car outre une œuvre filmique qui fait aujourd’hui encore référence, Jean Rouch a initié d’importantes dynamiques, de la co-création du GREC (Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques) à celle des Ateliers Varan, en passant par le Festival International du Film Ethnographique, et ce avec la ferme intention de décoloniser le cinéma. Cette dernière manifestation a proposé, à Paris, en mai, une quarante-deuxième édition toujours magistrale, qui sut une nouvelle fois prendre le pouls du monde et développer l’esprit critique du spectateur, dans sa vision deleuzienne. Une chance pour la cité phocéenne : depuis une poignée d’années, l’équipe du Mucem invite le Festival international du film ethnographique Jean Rouch au cœur de l’esplanade J4, pour quatre jours sous formes de séances de rattrapages de l’événement parisien. Du 15 au 18 juin, une sélection de films primés dont les projections seront suivies d’échanges avec les autrices·teurs, en compagnie d’intervenant·e·s de référence, nous embarqueront vers de lointaines destinations cinématographiques, et plus globalement humaines. À commencer par Objetos Rebeldes de l’anthropologue et cinéaste Carolina Arias Ortiz, dont le retour au Costa Rica mêle l’histoire intime aux recherches sur les grandes sphères de pierre précolombiennes, emplies de dimensions mythiques. Autre opus à ne nullement manquer au sein de cette sélection : La Combattante de Camille Ponsin. Si l’on regrette profondément que sa sortie en salle, en fin d’année 2022, n’ait pas eu tout l’écho qu’on lui souhaitait, nous ne bouderons pas notre plaisir à (re)voir le minutieux travail quotidien, et stakhanoviste, de Marie-José Tubiana, ethnologue à la retraite, et grande spécialiste du Darfour. Ce fut d’ailleurs également le cas pour Mamá, de Xun Sero, qui mêle subtilement la puissance mystique aux douleurs des stigmatisations au sein d’une communauté tzotzil du Chiapas. La place de l’humain au cœur d’un environnement naturel volontairement insaisissable traverse par ailleurs certains films de cette sélection, à l’instar d’Up on the mountain d’Olivier Mattlon et Michel Leis ou Slow Return de Philip Cartelli. Citons enfin Ressources d’Hubert Caron-Guay et Serge-Olivier Rondeau, ou L’Énergie positive des dieux, l’excellent opus de Laëticia Møller, parmi les œuvres programmées, sans omettre la masterclass de Rania Stephan, Documentaire de création : l’art des possibles. Soient quatre jours de belle facture, qui redonnent sens à la dynamique primale du geste cinématographique de la fin du 19^e siècle : filmer le monde.

Emmanuel Vigne

Festival International Jean Rouch : du 15 au 18/06 au Mucem (Esplanade du J4, 2^e).

Rens. : www.mucem.org

Le programme complet du Festival International Jean Rouch ici