Les Printemps du monde

Transe mission

 

Pour la vingt-sixième année, l’association Le Chantier déploie en un week-end enchanteur les ambitions musicales portées par ses travaux musicaux autour des musiques du monde à l’année, dans le havre paisible de verdure du petit village varois de Correns. Extrêmement abouti mais pour autant jamais élitiste, le festival est un instantané du fourmillement indispensable de forces vives qui œuvrent en toute discrétion pour l’entretien des richesses patrimoniales de nos cultures.

 

 

Frank Tenaille, directeur de l’association Le Chantier, situé dans le village vert et varois de Correns, insiste cette année sur la notion de « Respiration », qui devient même le titre d’un édito signé de sa main. Son désir est d’offrir, à travers ce long week-end musical, une émancipation de l’« actualité assez chargée, dans cette atmosphère de crainte et d’angoisse ». Un souffle. De présenter des artistes qui « travaillent sur le temps long, dans un monde conditionné par le temps court avec les médias, les écrans… » Ainsi est proposé à l’auditeur, au spectateur, de repartir de cet événement plus apaisé, heureux. En manipulant du « patrimoine culturel immatériel, des sociabilités et modes de vie, des philosophies, des cosmogonies… », Frank Tenaille tient à montrer que toutes ces richesses sont à portée, tout près de nous, quand on regarde bien.

La programmation, très riche, est comme à son accoutumée une lumière portée sur des travaux artistiques qui s’articulent sur l’année au Chantier. Ainsi, l’organisation préfère voir l’événement comme un « temps fort », en contradiction avec une vision « trop souvent galvaudée et fétichisée du mot festival. » Commandes, accompagnement professionnel, travail culturel… La manifestation est le point d’orgue d’un travail tentaculaire inscrit dans le temps autour de la création artistique. Les artistes invités à participer à ce temps fort ont donc déjà des liens avec l’association, à l’image des musiciens qui présenteront le spectacle Serre / Ser, pont entre les musiques égyptiennes et occitanes, à la fois en ouverture de festival et en sortie de résidence entre les murs de l’association. « Nous suivons tous les projets, nous n’allons pas chercher des artistes chez les tourneurs pour les mettre sur scène », précise Frank Tenaille, pour insister sur sa vision d’une programmation attachée à l’accompagnement, à la cohérence. Dans la lignée des amours écologiques du premier village bio de France qu’est Correns, l’équipe du Chantier défend la biodiversité culturelle, grâce à l’ajout de pédagogie, d’accompagnement et de gastronomie aux simples concerts.

Frank prend comme point départ les « musiques d’essence patrimoniale » (l’appellation « musique traditionnelle » ne lui plaisant guère) : le Chantier accueille des artistes aux répertoires construits, qu’il s’agisse de musique indienne, arabo-andalouse, basque ou brésilienne. Ces répertoires sont croisés à travers des propositions et instrumentariums différents, s’amusant à mêler le sacré au profane, le féminin au masculin… La structure professionnelle porte des créations qui sont ensuite amenées à voyager, se faisant ainsi foyer de naissance de nombre de projets.

À noter cette année, la création commune de Vincent Ségal, Vincent Peirani, Ballaké Sissoko et Émile Parisien, Les Égarés. « Je connais Sissoko depuis tellement longtemps… Il est sur des sujets pointus, et cherche à faire autre chose que des collages, dans cette période où l’on colle des choses assez hâtivement. Avec Vincent Ségal, ils font un travail de dentelle, les modalités d’une kora et d’un violoncelle étant par exemple très éloignées. Ils tissent avec l’autre tandem un travail abouti qui va bientôt sortir chez No Format. »

Le Chantier, dans un désir de transmission, propose des projets au jeune public, comme Ek Marmaille, un concert de la chanteuse et percussionniste réunionnaise Leila Negrau accompagnée de cent élèves de la Provence Verte avant que de présenter son dernier projet, Fom ek Tambor.

Bals d’ici et d’ailleurs, moments suspendus en journée, repas partagés, musiques habitées… Inutile d’étaler ici le programme complet, il est d’une telle minutie et la technique d’un tel professionnalisme qu’un aller yeux fermés vers les collines varoises ne présente que le risque d’un trop grand enchantement. Pour faire court, avec les Printemps du Monde, l’équipe du Chantier « crée un écrin ».

 

Lucie Ponthieux Bertram

 

Les Printemps du monde, du 26 au 28 mai à Correns (Var).

Rens. : www.le-chantier.com/-Festival-Les-Printemps-du-Monde-.html

La programmation complète des Printemps du monde ici