Festival Musiques Interdites à l’Eglise Saint-Nicolas de Myre
Sans interdit
Pour sa onzième édition, le festival Musiques Interdites investit un lieu de culte chargé de sens, l’église melkite Saint-Nicolas de Myre, pour proposer des chants sacrés interdits et une œuvre de Mahler.
Depuis onze ans déjà, le festival Musiques Interdites fait œuvre citoyenne, culturelle et de mémoire en nous faisant (re)découvrir des compositeurs tombés dans l’oubli car considérés comme « dégénérés » par les dictatures nazie et stalinienne. Qu’ils aient disparu pendant leur déportation ou qu’ils soient restés dans l’anonymat de l’exil, la plupart n’ont jamais été réhabilités, et leurs œuvres, pourtant composantes à part entière du patrimoine occidental, sont jusque-là restées dans l’oubli. Ce festival existe pour leur rendre justice en leur donnant justement une deuxième vie méritée.
C’est donc l’église melkite Saint-Nicolas de Myre qui accueillera le festival cette année. Et quand on sait qu’elle a été construite en 1821 à la demande de réfugiés chrétiens venus d’Egypte et de Syrie, on y entrera le cœur serré en pensant aux persécutions dont sont encore victimes aujourd’hui les Chrétiens d’Orient. Illustration de l’esprit de tolérance et d’ouverture des Melkites, le choix de cette église est aussi un formidable pied de nez à l’ostracisme et à la destruction prônée alors par les nazis, et aujourd’hui par l’Etat islamique.
Cette volonté d’ouverture du festival se retrouve également dans la programmation, dont le sous-titre, « Aux hommes de bonne volonté », est très évocateur. Car Michel Pastore, directeur artistique historique du festival, ne s’interdit pas de regarder au-delà des deux grandes dictatures occidentales du XXe siècle. C’est ainsi que seront présentés samedi soir des chants sacrés arméniens, rassemblés par Komitas, prêtre orthodoxe et chantre arménien. Michel Pastore explique ainsi comment il a « recueilli et remis en forme les chants sacrés arméniens, datant pour certains du IIIe siècle, et qui sont donc parmi les plus vieux chants de la chrétienté. »
A ses côtés, on pourra découvrir Max Bruch, véritable coup de cœur de Michel Pastore, qu’il qualifie de « géant de la musique allemande, injustement méconnu, du niveau de Brahms ». C’est lui qui a écrit le Kol Nidrei, « chef d’œuvre absolu » devenu depuis prière sacrée pour les juifs du monde entier. Un auteur polonais ayant composé des Chants du Muezzin, ainsi qu’un autre compositeur arménien ayant composé Anouch, un opéra cher à son peuple, complètent l’affiche du samedi soir. Le dimanche sera quant à lui consacré au Chant de la Terre de Gustav Mahler, dans une orchestration peu connue de Schoenberg.
Si vous n’êtes (malheureusement) pas disponible ce week-end, vous pourrez vous rattraper en novembre : la Criée présentera Marie Galante ou L’Exil sans retour de Kurt Weill, œuvre qui vient d’être créée à Cuba, comme un symbole fort de l’ouverture progressive de cette dictature contemporaine. Irène Jacob viendra prêter sa voix au récit, rejoignant ainsi la très belle liste d’artistes aussi divers que renommés ayant contribué à l’événement : Fabrice Lucchini, Abd Al Malik, Anouk Grinberg ou encore Frédéric Lodéon. In fine, voici donc un festival aux entrées nombreuses, qui fait feu de tout interdit…
Géraldine Higel
Festival Musiques Interdites : les 11 & 12/06 à l’Eglise Saint-Nicolas de Myre (19 rue Edmond Rostand, 6e).
Rens : musiques-interdites.eu