Festival Numéro Zéro
La force de cent sons
Pour sa cinquième édition, la manifestation Numéro Zéro, proposée à Forcalquier, Lurs et Banon du 3 au 8 mai par le cinéma Le Bourguet et la Miroiterie, déroule un programme d’excellence, en mêlant diverses pratiques sonores et visuelles, propres à réinventer les formes de diffusion.
C’est une antienne qui revient dans la plupart des réunions professionnelles et des maints articles consacrés à l’état actuel de l’exploitation cinématographique : il est urgent pour les salles, aujourd’hui, de se réinventer. Seul hic : peu de pistes profondément innovantes émergent, et les quelques propositions avancées font parfois offices de cautères sur une jambe de bois. L’exploitation cinématographique en France présente, depuis le début de l’année, des chiffres inquiétants, frisant les 60 % — voire plus — de baisse d’entrées pour les opus labellisés Recherche. Peu de films d’auteurs parviennent à mobiliser fortement le public, et l’avenir même de ce modèle hexagonal apparaît bien incertain. L’un des sillons à creuser est, sans conteste, celui de la transversalité des pratiques : ou comment, autour d’un film, éclairer son récit au moyen d’autres formes artistiques, de la littérature à la musique, en passant par les outils sonore et radiophonique.
C’est bel et bien la démarche, brillante, qu’offrent depuis quelques années le cinéma Le Bourguet et la Miroiterie de Forcalquier, avec la manifestation Numéro Zéro, qui présentera sa cinquième édition du 3 au 8 mai dans divers villages de Haute-Provence. Mêlant projections, rencontres, créations radiophoniques, conférences ou performances, l’événement marie avec intelligence les diverses explorations dans l’image et le son, lors d’un programme superbement ajusté, où chacune des propositions se fait écho. À commencer par les séances spéciales : ce sera ainsi le cas pour la projection du film de Claire Doyon Pénélope mon amour, accompagné de la réalisatrice et du distributeur Clément Dussart. Suivront les séances de l’excellent film d’Alexandra Pianelli, Le Kiosque, que présentera la sémillante distributrice Violaine Harchin des Alchimistes, ou Les Enfants terribles d’Ahmet Necdet Çupur, Toute une nuit sans savoir de Payal Kapadia, Répétitions de Colombe Rubini, Random Patrol de Yoha Guignard ou le sublime H6, l’hôpital du peuple de Ye Ye, toutes ces œuvres filmiques étant accompagnées d’invitées passionnantes. Une autre rencontre cinématographique est également incontournable, dans ce programme, celle autour du chef d’œuvre de Vittorio de Seta — dont les magnifiques Banditi a Orgosolo ou Il mondo perduto ont bouleversé notre approche du cinéma — Diario di un maestro. Une séance en partenariat avec Documentaire sur Grand Écran, présentée par l’inénarrable Federico Rossin, sans nul doute l’un des plus grands historiens du cinéma aujourd’hui en activité. Ce dernier animera par ailleurs, le dimanche 8 mai, une rencontre unique, sur le thème Pour une révolution copernicienne du cinéma.
Le cinéma restera au cœur de diverses autres propositions, en l’occurrence lors du ciné-concert proposé autour de deux films de Buster Keaton, des projections de films d’ateliers et celles des étudiantes du master documentaire d’Aix-en-Provence, ou du ciné-quizz On connaît la chanson animé par Thomas Choury et Lucie Detrain.
Au rayon radiophonique, citons les excellentes initiatives que sont Pompes Fun Èbres, installation sonore de Samia El Hadj, la séance d’écoute Frissons Sonores, les ateliers d’Écoute Critique ou la Radio Cousue Main, la performance Les Sons inouïs, Gardiens de la paix d’Ilham Maad ou l’exploration du son dans les œuvres de Jacques Tati.
Enfin, si l’on y ajoute les diverses propositions transversales, de la conférence hommage à Bogdan Dziworski à la performance Cellule d’Assistance psychologique, voilà un programme sémillant et remarquable à ne manquer sous aucun prétexte, sous le doux ciel printanier des Basses Alpes.
Emmanuel Vigne
Numéro Zéro : du 3 au 8/05 à Forcalquier, Lurs et Banon.
Rens. : festivalnumerozero.com
Le programme complet du festival Numéro Zéro ici