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Festival Rebel Rebel & Pat McCarthy au FRAC PACA

Papiers libres

 

Première édition du festival Rebel Rebel au FRAC PACA, autour du fanzine, de son esthétique et de sa (pop) philosophie. Trois jours consacrés à cette forme méconnue du grand public, durant lesquels une quarantaine d’exposants viendront prouver qu’il est encore possible de produire librement, dans la forme comme dans le fond.

 

Le fanzine (fanatic magazine) n’obéit à aucune règle et rejette l’institution ; il ne supporte aucune censure, aucune relecture, et exprime encore aujourd’hui une parole libre diffusée sous le manteau sans stratégie mercantile… Que vient-il donc faire au FRAC, institution s’il en est des arts plastiques ? Ce petit magazine fabriqué par un fan pour un autre fan autour du sport, du rock, du cinéma, des séries télé, de la politique ou du slip à poil fut et demeure — et ce, malgré les forums d’opinion qui saturent le net — le médium par excellence pour celui qui aujourd’hui fait sien l’adage « Ne critiquez pas les médias, soyez les médias(1) ». Ces petits journaux libres existent depuis le début du 20e siècle, même si les premiers fanzines repérés autour de la science fiction datent des années 30. Car ce sont d’abord les dadaïstes qui produisent vers 1915 quelques feuillets agrafés à la parution aléatoire comme Le Cabaret voltaire, Cannibale ou Le Cœur à barbe, grâce aux nouvelles techniques de reproduction en série (xérographie). La mise en forme plastique associe collage, découpage, détournement d’images publicitaires, hasard et abstraction, photomontage et assemblage d’objets. Dès lors, le fanzine concernera toutes les disciplines et n’importe quel sujet, avec un fort engouement de la part des musiciens rock et punk qui transposent dans ces feuilles de chou le do it yourself  édictant la façon de faire et de penser du mouvement underground. Le fanzine devient indissociable de la punk attitude et véhicule sa culture : « Le DIY, c’est la manifestation directe d’une énergie et d’une mise en branle de moyens simples, économiques et destinés à accomplir les projets le plus rapidement possible, avec le moins de moyens possible et d’argent ; et dont la mission est en premier lieu de donner corps, concrétiser une forme » (Gaspard Bébié-Valérian)

A l’origine du festival Rebel Rebel (qui tire son nom d’une chanson de David Bowie), on retrouve Laura Morsch-Kihn, qui présente un jour à Pascal Neveux (directeur du FRAC PACA) les fanzines qu’elle produit sous le « label » Le nouvel esprit du vandalisme. L’idée de la jeune femme est de constituer une sorte d’exposition dans laquelle des artistes sont invités à investir les pages du magazine. L’initiative rappelle les projets curatoriaux menés dans les années 60 par Seth Siegelaub avec ses expositions-catalogues, à ceci près que Laura Morsch-Kihn transpose à l’art contemporain l’esprit trash et l’esthétique volage du fanzine. Le neuvième numéro s’ouvre avec la formule suivante : « Enflammez-vous avec Le nouvel esprit du vandalisme n°9. Le fanzine qui transforme tout en art. » Séduit par l’univers extrêmement riche et la dynamique participative communicative présidant à l’entreprise, Pascal Neveux décide de faire rentrer dans les collections du FRAC quelques exemplaires de fanzines savamment choisis et d’y consacrer un événement qui ne devra pas revêtir les formes traditionnelles de l’exposition. Le fanzine étant anti-institutionnel par nature, il aura fallu trouver la forme adéquate pour lui offrir les honneurs qui lui font défaut jusqu’ici… Cette forme sera celle de l’envahissement total du FRAC pendant trois jours, avec une quarantaine de participants ne se prêtant pas à la forme traditionnelle du stand, préférant présenter leurs fanzines sur un stand de tir ou dans un cabinet de voyance. Une manière d’exposer le fanzine dans toute sa diversité, son originalité et son irrévérence parfois.
Au programme pendant ces trois jours, conférences, tables rondes et performances : Samuel Etienne parlera du DIY punk et post-punk, Antoine Lefebvre du fanzine et de ses affinités avec l’art contemporain, tandis que Virginie Lyobard viendra présenter la Fanzinothèque de Poitier, unique collection de fanzines en France. Parallèlement se tiendra le vernissage de l’exposition de Pat McCarthy, dont Laura Morsch-Kihn est commissaire. Pour cette nouvelle forme, l’artiste marcheur new-yorkais se balade à Marseille avec sa machine ambulante à fabriquer des fanzines, un caddy surmonté d’une photocopieuse. Il est l’auteur de son propre fanzine, Born to Kill, une sorte de road story débutée lors d’une marche à travers les Etats-Unis. Son travail de performance, sculpture, bricolage et expériences en tout genre se retrouve sur les photocopies des dessins et des notes que l’artiste accumule à chacune de ses pérégrinations post-punk. Une forme artistique que Pat McCarthy adopte pour sa facilité à travailler sans contrainte technique et partout dans le monde. Born to Kill relate toutes les étapes d’un travail qui évolue au gré des rencontres, des hasards et des opportunités, où les formes de vie deviennent des formes artistiques qui s’archivent et trouvent leur épanouissement plastique dans le fanzine. « Dans la fabrication d’un zine, l’artiste utilise des outils basiques et universels pour articuler et distribuer ses idées : papier, stylo, photocopieur noir et blanc. Au quotidien, tu transportes ces outils dans ton sac à dos et les photocopieurs, eux, t’attendent dans chaque ville à travers le monde. » (Pat McCarthy)
Le fanzine comme collecteur et témoignage de vie : « J’écris pour violer mon cerveau », peut-on lire dans l’un des fanzines réalisés durant les ateliers organisés avec la Fondation Logirem, dirigés par Laura Morsch-Kihn et animés par des artistes invités, dont Pat McCarthy. En résidence de création depuis mars, l’artiste a mené avec un groupe de jeunes âgés entre onze et quinze ans des ateliers autour de la réalisation de quatre fanzines, sur le territoire de la Busserine. Traitant du Grand Saint-Antoine, du hip-hop ou du sport, les quatre numéros expriment surtout la voix, libre, de ces adolescents dont la plume aiguisée et l’écriture imagée traduisent le quotidien, les espoirs et l’attachement aux mots et à leur sens. Relativisant au passage une image nauséabonde véhiculée par les médias : « Marseille a sa mauvaise face, la télé se focalisent sur des recoins infects. » On y trouve également des recettes de cuisine, et même de la publicité… pour les samboussas de Binti vendus 1 € les deux au profit de la construction de la future mosquée.
On retrouvera l’intégralité des fanzines réalisés par les jeunes des ateliers lors du festival Rebel Rebel au FRAC. De quoi s’immerger dans la culture zine le temps d’un week-end, de trouver le ton et l’esthétique du fanzine qui nous accroche l’œil et l’esprit.
« Certains zines peuvent être vraiment horribles, des morceaux de pensée assemblés de façon illogiques. D’autres sont brillants et des documents uniques. Comme le développement historique des zines l’illustre, le format du zine peut être utilisé pour n’importe quel sujet imaginable et parmi les plus populaires, certains défient toute classification. » (Amy Spencer)

 

Céline Ghisleri

  • Festival Rebel Rebel : du 22 au 24/04 au FRAC PACA (20 boulevard de Dunkerque, 2e).
    Rens. : 04 91 91 27 55 / festivalrebelrebel.wordpress.com

  • Pat McCarthy – Brick by Brick : du 22/04 au 5/06 au FRAC PACA.

Et en prolongement :

Bricolage radical. Le fanzine DIY : média banal ou média rebelle ? : du 26/04 au 5/06 au FRAC PACA

Le programme complet du festival Rebel Rebel ici

 

 

Notes
  1. Slogan utilisé par Indymedia, qui invite tous les citoyens à s’emparer du web et les encourage à devenir de véritables acteurs de l’information.[]