Bandes originales
Le festival dédié aux musiques électroniques expérimentales Reevox souffle ses cinq bougies avec un parcours transdisciplinaire en forme de découvertes.
« Je pense qu’aucun outil ne détermine une culture. En revanche, un outil peut induire des conséquences dans la culture. » Ainsi le directeur du GMEM synthétisait-il en ces pages toute la complexité de l’histoire des musiques électroniques, sorte d’allers-retours permanents entre humain et machine, technologie et société, reprenant ainsi le fait que nous concevons les machines à l’image de nos propres projections, mais que cela peut aussi nous rattraper. Il est finalement pas mal question de cela avec Reevox, de dimension sociale notamment, tant l’équipe organisatrice souhaite voir se croiser les publics, se rencontrer les générations, les amateurs de musiques contemporaines et les noctambules de l’électro. Rappelant par là même, au-delà du binarisme grégaire et paralysant que l’on nous impose entre « musique savante » et « musique populaire », l’origine commune d’une seule et même pratique : faire usage de l’électricité à des fins musicales. Faire de la musique avec l’électronique. Mieux encore : faire de la musique électronique. Cela ne date pas d’hier.
Des origines électroacoustiques aux turbines pop donc, sans vous refaire pour autant soixante ans d’histoire, le pont est ici franchi : où le musicien marseillais Max Paskine fait évoluer « en différents éléments, murs sonores bruitistes, mélodies et rythmiques déstructurées, plages ambient et drones rugueux », l’Allemand Pantha du Prince développe des textures techno généreuses à forte puissance évocatrice. Où la compositrice franco-japonaise Tomoko Sauvage propose une installation/concert qui utilise l’eau, la glace et la porcelaine comme instruments principaux, Kasper T. Toeplitz utilise la danse pour « injecter de l’instabilité dans le processus compositionnel et musical. » Felicia Atkinson (déjà venue à Marseille avec son projet Je Suis le Petit Chevalier) propose quant à elle, via son conceptuel A Readymade Ceremony, de ne pas faire le choix entre art contemporain et électroacoustique. Le choix entre analogique et digital, organique et numérique, entre hier ou aujourd’hui ? En se situant aux intersections, au fil d’un parcours, Reevox n’en a que faire. Un parcours donc, à l’instar de ce point d’orgue à La Friche. Du Panorama au Cabaret Aléatoire, où le public sera d’abord « libre de déambuler, contempler et se laisser emporter au gré des propositions artistiques et performatives » de Tomoko Sauvage, Natasha Barrett et Tarek Atoui. Avant de se déhancher au Cabaret avec Pantha du Prince, Saycet, François 1er puis Acid Arab…
On a souvent discouru dans ces pages au sujet de l’analyse du rapport à l’outil, chère à ces pratiques que l’on range dans le fourre-tout idéologique « musiques expérimentales ». On a aussi pas mal rendu compte de la décontextualisation en matière artistique… Mais il s’agit plus avec Reevox de se laisser aller à une certaine poésie. Faire œuvre en agençant les sons d’un bloc de glace qui fond paisiblement suspendu dans les airs, c’est prendre le geste créatif comme une fenêtre sur un courant, un mouvement, certes, mais d’abord comme une fenêtre sur le monde et ses imaginaires. Quitte à déplaire ou même à décevoir : c’est signe que cela convoque.
Jordan Saïsset
Festival Reevox : du 2 au 6/02 à Marseille.
Rens. : www.gmem.org / 04 96 20 60 16
Le programme complet du Festival Reevox ici