Festival Sons de Plateaux 2015
Dans le creux de l’humain
Le GRIM lance sa neuvième édition du festival expérimental Sons de Plateaux et dévoile l’humain derrière l’objet.
Comme si le numérique était venu donner un grand coup de pied dans la fourmilière, la gestuelle en matière musicale semble n’avoir jamais autant fait l’objet de débats passionnés. Une vigueur dans les propos qui, derrière l’emballement, semble surtout agiter en vain le spectre poussiéreux du grand « mystère » technologique. Celui d’un temps où la technologie, tour à tour démoniaque ou salutaire, fascinait par son incompréhension, ce temps où l’on donnait aux machines des origines divines, voire extraterrestres. Ce temps-là est-il donc oui ou non révolu ? Notre imaginaire n’aurait-il finalement jamais été autant nourri par l’essor technologique ? Si la réponse à cette question se cache derrière une analyse sociétale titanesque, les objets nous entourent toujours et demeurent de formidables marqueurs de nos modes de vie et, plus largement, de nos cultures. Un amoncellement de signes chers au philosophe Baudrillard par exemple, pour qui l’objet excède toujours sa fonction. En témoigne donc cette nouvelle édition de Sons de Plateaux, dans la droite lignée des précédentes (le field recording était à l’honneur en 2014), fidèle à une approche complètement réflexive posée par les artistes eux-mêmes à travers l’utilisation de leurs instruments. Autrement dit : le regard l’emporte sur la technicité, car si les machines ne sont pas des hommes, à l’inverse, l’homme n’est toujours pas une machine… Via l’improvisation et l’électroacoustique, la pratique expérimentale s’impose donc ici comme la résultante directe de cette prise de conscience. D’Oren Ambarchi à Karen Jebane, de Sir Richard Bishop à Omertà et Clara de Asís, l’importance n’est plus au degré de sophistication de l’objet et du geste qu’il induit, mais à l’humain dont il est la prolongation. A cet humain qui le transcende par son utilisation. De guitares préparées en magnétophones à bandes, de boîte à bourdon en circuits détournés, de pratiques transversales en représentations ouvertes, le GRIM donne la parole à ceux qui creusent l’objet pour en extirper la sève, et bien au-delà, leur propre histoire, leur propre vie, intime ou sociale. Ces mêmes objets, manufacturés ou artisanaux, détournés ou marquetés, décontextualisés ou optimisés. Ces objets qui, s’il demeurent intrinsèques à l’histoire de l’humanité, se dévoilent ici même encore et toujours tels que nous les voyons. Et ce comme au premier jour.
Jordan Saïsset