Festival TransForm
Créations en tous genres
Premier événement dédié aux créations contemporaines queer à Marseille, le Festival TransForm! fête son deuxième printemps à la Déviation, à l’Estaque. Ce festival porté par le collectif Idem propose une programmation qui traverse les champs artistiques.
Trans- [pfx]: qui donne le sens de passer d’ici à là, passer à travers, passer outre, être au-delà.
Intéressant de constater qu’un simple préfixe intégré dans un titre peut déjà tendre dans une direction, sans toutefois l’imposer — quelle belle chose que l’étymologie ! L’équipe initiatrice du festival TransForm! s’ingénie, quant à elle, à développer un espace de liberté et d’expression à travers le prisme des arts. Dans la volonté de s’éloigner de l’instrumentalisation politique de la question du genre, le collectif Idem met un point d’honneur à traiter de la question de l’orientation sexuelle mais d’une manière plus générale, en poussant l’observation jusqu’aux limites des normes elles-mêmes et du rapport que l’on entretient en général avec l’altérité. La notion de bienveillance s’inscrit donc naturellement au cœur du programme tout comme la qualité des artistes, ce qui s’explique par la nature même du collectif, regroupant aussi bien des adhérents directs porteurs de ces valeurs que des associations portées sur le droit humain.
Il a été d’ailleurs été question pour Sarah Saby et Alain Marc Deluy, coprésident.e.s de l’association, de s’axer sur des créations inclusives, impliquantes, où le public s’intègre dans le processus de création, afin de brouiller les frontières et les catégories et de redessiner les contours de la scène. Dans sa performance, Mmakgosi Tsogang Kgabi invitera ainsi le spectateur à prendre part à ses réflexions sur la construction des identités de genre, mais également d’origine, processus qui parfois se croisent, s’entremêlent, dans une complexité que l’on ne cherche pas forcément à percevoir. Dans la journée du samedi sera également prévu un atelier fanzine queer imprégné de l’ambiance du festival et qui reprendra les archives de l’association Mémoire des Sexualités de Christian de Leusse dans une reconsidération historique. Une sorte de mise en abyme philosophique et graphique. Adeptes de la chanson cabaret, ne ratez pas Le Bal des Illusions de Monsieur K. qui « crée des stratagèmes de jeu avec le public pour faire de lui un autre partenaire de scène », brillant par son indistinction kafkaïenne. François Chaignaud, quant à lui, nous propose une performance déambulatoire qui oscille entre le récital et la danse, dans la recherche de lieux qui ne lui sont pas habituellement dédiés et qui mélange des « chants inspirés du répertoire médiéval mais aussi des cultures philippine, séfarade et ukrainienne. »
Cette performance arrive à transmettre l’essence même du festival TransForm!, véritable facilitateur de la pensée, qui s’applique à brouiller les frontières, mais également à transformer, à adapter des créations dans un lieu lui-même déjà un mouvement. Et en tant que résidence de création, la Déviation semble se prêter parfaitement à ce dessein, jusqu’à lui rajouter un soupçon d’individualité brute que lui doivent sa nature d’habitation et de création, mais également l’aspect minéral de sa situation à flanc de rocher, entre pierre, ciel et mer. Déconstruire pour mieux recomposer, faire de la contrainte une invention, qui se présentera notamment sous la forme d’une mise en lumière spécifique.
Si dans ce festival, aucune forme n’est figée, c’est également aussi le cas du corps. Les deux Dj sets du week-end mettront à l’honneur les femmes, que ce soit en explorant le côté sombre de la musique techno avec Marion du collectif La Klepto, ou en se tournant vers la quête de « la musique club futuriste arabe » de Deena Abdelwahed, permettant, en musique, de clôturer ces deux soirées respectives.
Une programmation intense à l’image de sa structure porteuse, dotée d’une force d’autant plus prodigieuse qu’elle est portée par un but commun, proposant la solution dans ses mesures et comme matière à mûrir.
Laura Legeay