FIDMarseille
We FID the world
La vingt-septième édition du FID, le Festival International de Cinéma de Marseille, propose une expérience de spectateur à nulle autre pareille, ouvrant les regards, avec près de cent trente films programmés, sur la création contemporaine internationale.
Alors que de nombreuses problématiques secouent depuis un certain temps l’industrie cinématographique, que certains dysfonctionnements commencent à émettre un bruit croissant dans Landerneau (on parle ici, entre autres, de menaces sur la filière indépendante, de trop forte concentration, de films sous et surreprésentés dans les salles, de refonte du label « art et essai »), la question de notre rapport au cinéma n’a, depuis bien longtemps, été aussi prégnante. Ou comment un film, une œuvre d’images en mouvement, peut encore aujourd’hui faire sens, dans un dispositif épistémologique qui dépasse le seul cadre marchand — dans lequel s’harmonisent durées, formes, temporalités, vitesses. Cette question de reprendre pied dans (ou par) le cinéma sous-entend une libération du geste tout autant pour le créateur que pour le spectateur. Et quel espace nous est offert de plus libérateur que la programmation du FID (parmi une petite poignée d’autres), pour ré-enchanter ce regard ? Près de cent trente films viendront ainsi nous rappeler que le cinéma est une invention, le révélateur d’une écriture. Si le FID est devenu un festival de premier plan, il le doit sans doute à l’exigence apportée par son Délégué général Jean-Pierre Rehm, qui chaque année, au sein des diverses compétitions et autres écrans parallèles, n’a de cesse de nous confronter à cette expérience deleuzienne du spectateur. Au cœur des compétitions (officielle, française et premier film) — dont la plupart des opus sont présentés en première mondiale —, le FID nous offre à voir le champ et le hors-champ d’une création contemporaine vivante, plurielle et sémillante, d’où émergent des œuvres qui marqueront nos écrans. De Boris Lehman (Funérailles (de l’art de mourir)) à Nicolas Klotz (Mata Atlantica), de Bertrand Bonello (Sarah Winchester, opéra fantôme) à Nicola Bergamaschi et Nathalie Hugues (Ce qui arriva l’année 13 lapin), les dizaines de films de ces trois compétitions témoignent d’une puissance créatrice qui font taire les grincheux sur une éventuelle mort du cinéma souvent annoncée, jamais advenue.
L’autre grand bonheur de cinéphile que procure chaque édition du FID est à dénicher également dans les nombreux écrans parallèles développés tous les ans. De prime abord, la présence exceptionnelle du cinéaste sud-coréen Hong Sang-soo, et la formidable rétrospective qui lui est consacrée, viendra en point d’orgue d’une année durant laquelle ce pays asiatique fut particulièrement mis à l’honneur, comme en témoigne la récente programmation du Polygone Etoilé déjà chroniquée dans ces colonnes. Les dix-sept films du réalisateur programmés lors de cette édition offriront un panorama exhaustif de la complexité d’une œuvre qui compte parmi les plus importantes de Corée du Sud. Autre section parallèle pleine de belles promesses, Distorsion propose un parcours non pas musical mais plus largement sonore, ou comment, aux quatre coins de la planète, les formes d’ondes ont mêlé au bruit primal les expériences électriques et électroniques pour finir par produire un chant du monde largement repris par les plus grands musiciens. Enfin, Histoires de portrait, Mouvement, Les Sentiers et Ventriloquies, autres écrans parallèles de cette programmation 2016 — et sans oublier le traditionnel FIDLab, véritable laboratoire de découvertes cinématographiques —, enrichiront une édition de haute volée, qui, à l’instar des vingt-six années précédentes, participera à nourrir en sons et en images les vingt-trois mille spectateurs venus se confronter à l’expérience du FID.
Emmanuel Vigne