FIDMarseille 2020
L’usage du monde
Après un parcours traversé d’embuches pour le maintien de la nouvelle édition du FID à Marseille, l’annonce est tombée : la trente-et-unième édition de ce festival majeur se tiendra bel et bien en salles dans la cité phocéenne. Grande joie, et un programme passionnant nous attendent dans divers lieux de diffusion de la ville.
Si l’organisation d’un festival est pleinement une aventure collective en soi, le maintien des manifestations dans cette ère post-Covid la hisse au rang de véritable sport de combat dont chaque round réserve son lot de surprises et autres retournements de situations. Ce fut le cas pour le plus important événement cinématographique phocéen : le FID devient ainsi l’un des plus grands festivals internationaux à maintenir sa nouvelle édition en salles, après un parcours du combattant, ces dernières semaines, particulièrement épique. Saluons d’emblée l’équipe organisatrice, et à sa tête Jean-Pierre Rehm, d’oser le pari de retrouvailles cinématographiques vitales en ces temps de crise, et de parvenir au tour de force, dans les conditions que l’on connaît, de présenter une trente-et-unième édition toujours aussi somptueuse, vivifiante et exigeante. Avec plus de quatre-vingts films sélectionnés des cinq continents, toutes compétitions confondues, une pléiade d’invité.e.s, et son lot de sélections parallèles, le public curieux d’une vitalité cinématographique hors normes goûtera sans conteste (nous l’espérons, en nombre) l’exaltant plaisir de voir défiler sur grand écran, collectivement, les œuvres qui continuent chaque année de nous donner foi dans une réinvention des formes dans le champ de l’image en mouvement. L’invitée d’honneur de cette trente-et-unième édition du FID est une cinéaste encore trop discrète au sein de l’industrie hexagonale, pourtant créatrice d’une œuvre originale, audacieuse, intelligente : Angela Schanelec fut découverte par le public français avec son opus Marseille, douce — parfois suspendue — déambulation dont l’apparente sobriété de la forme ne cachait pas une narration plurielle, à tiroirs, comme autant de trésors ensevelis. Il ne s’agissait pourtant pas là de la première œuvre d’Angela Schanelec, comme viendra le démontrer le programme exhaustif qui lui est consacré. Au menu des diverses compétitions, le même mot d’ordre règne, à l’instar des précédentes éditions : présenter la quasi-totalité des films en première mondiale. C’est ainsi que nous retrouverons pour la compétition internationale quelques noms bien connus dont nous ne bouderons nullement la découverte de leur nouvelle œuvre : Julio Hernández Cordón (réalisateur de l’excellent Marimbas del Infierno) pour Se escuchan aullidos, Jelena Maksimovic pour Domovine ou Kiyé Simon Luang pour Goodbye Mister Wong, cinéaste qui évolue depuis longtemps déjà, entre autres, au sein du Polygone Étoilé de Marseille. Côté compétition française, c’est avec un immense bonheur que nous découvrirons en première mondiale, donc, le nouvel opus du sémillant Régis Sauder (Nous, princesses de Clèves, Retour à Forbach…) avec son nouveau film J’ai aimé vivre là, en collaboration avec la grande autrice Annie Ernaux. Mais également Lech Kowalski (C’est Paris aussi), Samir Ramdani (La Cellule) ou Camille de Chenay (Un musée dort). Outre les compétitions Premier, Cnap ou Flash, les opus programmés hors de ces cadres réservent, comme chaque année, leur lot de belles promesses, à l’instar du nouveau film de Florence Pazzottu, Ch…, échanges empreints d’une poésie que dévoile chaque œuvre de l’artiste, ici avec la cinéaste Mili Pecherer, elle-même programmée lors de cette nouvelle édition avec Ce n’était pas la bonne montagne, Mohammad. Sans omettre le film de Laurent Achard, Jean-François Stévenin, simple Messieurs, consacré à l’un des plus immenses acteurs-réalisateurs français, le beau Peaux de vaches de Patricia Mazuy avec Sandrine Bonnaire, ou L’Homme, ce vieil animal malade de Simone Fluhr. Sans oublier le court hommage rendu à Michel Piccoli, qui nous permettra de (re)découvrir le film incroyablement libertaire et profondément vivant d’un cinéaste majeur Claude Faraldo, Themroc. Une sélection qui tiendra d’ailleurs lieu de soirée d’ouverture — après un programme initial par la force des choses modifié —, avec la diffusion de quatre films de l’acteur dans quatre lieux de la ville : au Théâtre du Gymnase, au cinéma les Variétés, au Videodrome 2 et à La Baleine. Cet aperçu non exhaustif d’une programmation brillante, et rare, est un signe de vitalité cinématographique essentiel dans un temps où le cinéma en salles cherche à trouver son second souffle dans un contexte particulièrement bousculé.
Emmanuel Vigne
FIDMarseille : du 22 au 26/07 à Marseille.
Rens. : www.fidmarseille.org