La fête et les jambes
La vingt-sixième (!) édition de la Fiesta des Suds est l’occasion de faire la fête (donc), tout en interrogeant (qui veut) sur le présent et le devenir des musiques particularistes dans un espace mondialisé. Tour d’horizon.
Tout en jouant le consensus, cette grande messe multicolore, cette véritable institution qu’est devenue la Fiesta des Suds permet toujours, au-delà des têtes d’affiche, de prendre le pouls de la perméabilité des grands standards vis-à-vis des musiques traditionnelles, orales, extra-occidentales, particularistes, minorisées… Bref, de tout ce que les années 80 ont rangé dans le fourre-tout réducteur des « musiques du monde ». De toutes ces musiques qui échappent aux grands canons occidentaux en essor depuis le début du siècle dernier. De tout ce qui résiste à l’uniformisation des esthétiques. Mais l’histoire n’est pourtant pas si simple. Et il faut toujours faire attention de ne pas s’enfermer dans une case à trop vouloir en fuir une autre. Qu’est-ce qu’une case d’ailleurs ? Alors, bien sûr, il serait bien difficile de vous livrer la ligne directrice de la programmation de la Fiesta, si ce n’est une idée de la fête que l’on connaît bien. Évidemment, la Fiesta n’est pas un festival spécialisé, bien que spécialiste en son domaine. Et puis, on est tous au sud ou au nord de quelqu’un. Comment donc définir des esthétiques propres aux « Suds » ? Et puis, qu’est-ce qui est « moderne » et qu’est ce qui relève de la « tradition » ? Pourquoi, d’ailleurs, ce binarisme ? Ces questions devraient alimenter tous les débats : elles sont au centre de quelques-uns des grands enjeux humains de notre époque. Mais reprenons. La Fiesta, c’est avant tout une idée : jouer la carte du grand public avec des musiques d’ici et d’ailleurs dans un espace-temps éclaté, de façon à ne plus faire la part des choses, à ne plus dissocier une chose de l’autre. Du moins, dans l’idéal, que l’un et l’autre se nourrissent mutuellement. Le but étant d’abord de témoigner de l’éclatante vivacité intrinsèque à tout un tas de pratiques musicales populaires, qu’elles soient pop ou dites traditionnelles d’ailleurs, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs donc, qu’elle soient anciennes ou qu’elles aient cinq minutes au compteur… S’y entrecroisent aussi quelques stars de la soul (Keziah Jones, Cody Chesnutt), de l’afro trap française (MHD) ou de l’électro syrienne (Omar Souleyman). S’y entrecroisent des découvertes (La Méthode, Joey Le Soldat…) et des valeurs sûres (Amadou et Mariam, Chinese Man, Cymande…), non sans lien, bien sûr, avec quelques canons du moment. S’y entrecroisent l’acoustique et la machine (trop ?). S’y entrecroisent conscience et lâcher prise. S’y entrecroisent les Marseillais et les gens du reste du monde. À propos, l’ancrage de la Fiesta à Marseille, et qui plus est à deux pas du Port Autonome, fait sens depuis sa genèse : ici, tout circule. D’un environnement à un autre, il en va d’ailleurs de même pour tout ce qui est sur notre Terre, et pour chaque élément qui fait notre univers. Depuis la nuit des temps.
PM
Fiesta des Suds : du 18 au 21/10 au Dock des Suds (12 rue Urbain V, 2e).
Rens. : 04 91 99 00 00 / www.dock-des-suds.org/
Le programme complet de la Fiesta des Suds ici