Films Femmes Méditerranée
Portraits de femmes
Pour la huitième année consécutive, les rencontres Films Femmes Méditerranée viennent rappeler, par le biais d’une programmation de qualité et de nombreuses invitées, le dynamisme de la création cinématographique au féminin.
Parmi ses nombreuses fonctions, le cinéma n’a eu de cesse, quasiment dès son origine, d’accompagner les luttes sociales et l’évolution des consciences. Cette industrie a (trop) longtemps laissé une place mineure aux réalisatrices féminines. Rappelons tout de même que c’est le film d’une femme — La Pointe courte d’Agnès Varda — qui, en 1955, ouvre la voie à ce courant majeur que l’on nommera la Nouvelle Vague. Dans un univers profondément masculin, nous ne pouvons donc que nous féliciter de voir la part croissante d’œuvres réalisées par des femmes, en l’occurrence dans le bassin méditerranéen. Ce qui s’avère finalement beaucoup moins vrai au sein de la production nord-américaine, qui fait preuve d’un sexisme crasse parfaitement assumé (Kathryn Bigelow ou Sofia Coppola font office d’exceptions culturelles). Sexisme qu’affichaient ouvertement les deux dernières éditions du Festival de Cannes, qui n’ouvrirent quasiment pas leurs sélections aux réalisatrices féminines. Ce huitième opus de Films Femmes Méditerranée vient donc nous rappeler avec maestria qu’il existe une cinématographie, dans cette partie du monde, vivante, émancipatrice, éprise de liberté, et mise en images par des cinéastes dont la pertinence du regard n’a d’égale que la capacité à percer l’âme humaine. Parcourant une vingtaine d’œuvres, la programmation navigue entre France, Italie, Grèce, Turquie ou Géorgie. De nombreuses invitées viendront dans la cité phocéenne accompagner leur film, à l’instar de Nilay Erdonmez, très belle actrice de La Tour du guet, œuvre turque âpre et lumineuse, qui réunit une jeune fille-mère malgré elle et un gardien solitaire peu prolixe. Parmi les cinéastes conviées, citons Rusudan Chkonia, artiste géorgienne qui ouvrira les hostilités avec Keep smiling, ou Justine Triet, réalisatrice de La Bataille de Solferino, parcours humains inscrits dans la grande histoire, distribué par l’excellente structure phocéenne Shellac. L’équipe de Films Femmes Méditerranée a par ailleurs, cette année, proposé un échange avec le festival andalou 45 Alcances, Muestra Cinematogràfica del Atlàntico, pour la projection de deux films, Le Printemps d’Hana de Sophie Zarifian et Simon Desjobert et 108, Cuchillo de palo de Renate Costa, que viendra présenter Oliva Acosta. Enfin, précisons la tenue d’une table ronde, en partenariat avec Arte, réunissant cinq écrivaines autour des « résistances dans les parcours individuels », colloque qui reviendra sans nul doute sur les perceptions non normatives des artistes féminines n’ayant de cesse, au cœur du bassin méditerranéen, de faire évoluer les lignes.
Emmanuel Vigne