Films Femmes Méditerranée 2010
Les rives insoumises
Pour leur nouvelle édition, les Rencontres Films Femmes Méditerranée investissent trois cinémas de Marseille pour une programmation riche en découvertes, partant à la rencontre de destins féminins au cœur du bassin méditerranéen.
La place de la femme dans les sociétés méditerranéennes est un sujet si passionnant qu’une déclinaison cinématographique en forme de rencontres ou de festival s’imposait. Entre gardienne des traditions, pierre d’angle de la cohésion familiale, et symbole d’une modernité assumée, la femme méditerranéenne dépasse les grands écarts culturels, selon les pays, pour offrir le visage d’un être en résistance, principal vecteur de sociétés en mutation. Et le cinéma de venir ici illustrer la question, via une trentaine de films projetés, longs, courts ou documentaires. De la Grèce à l’Iran, de la Palestine au Maroc, le parcours de ces femmes à l’écran accompagne le destin même des pays en question. Au point de friser parfois l’intemporalité de la tragédie antique, à l’instar des Secrets, véritable conte que viendra présenter sa réalisatrice, la cinéaste tunisienne Raja Amari, au Prado. L’équipe de FFM multiplie pour cette nouvelle édition les partenariats, notamment avec l’excellente structure de diffusion des cinémas arabes Aflam, pour présenter conjointement Niloofar, film libano-irakien de Sabine El Gemayel. L’une des belles surprises de Cannes, cette année, récompensée à la Quinzaine des Réalisateurs, se retrouve par ailleurs à l’affiche de l’événement : Pieds nus sur les limaces, film drôle et doux-amer de Fabienne Berthaud, confronte deux sœurs au parcours radicalement différent. L’équipe de ces Rencontres a pris soin de privilégier l’exigence dans sa programmation et propose de nombreux films inédits sur les écrans de la cité phocéenne. C’est le cas de Questione di Cuore, comédie italienne sous influence commedia dell’arte de Francesca Archibugi, de l’opus nostalgique de l’Iranienne Sepideh Farsi Le Regard, ou du Choix de Luna de la Bosniaque Jasmila Zbanic, observation sociale pertinente sur la montée de l’intégrisme, dans un pays qui mêle, parfois avec chaos, identité européenne et culture musulmane. Soulignons également la présence de la cinéaste grecque Angeliki Antoniou, venue présenter le multi-primé Eduart, à la structure classique mais à la créativité débordante. Le documentaire, quant à lui, laisse place lors de ces rencontres à la part rebelle de la féminité, avec en l’occurrence deux opus sur les luttes autogérées et le principe de désobéissance : Entre nos mains de Mariana Otero, qui voit les salariées d’une entreprise prendre leur destin en main, et Parures pour dames, chant d’amour à l’insoumission dans le milieu de la mode. Sans oublier enfin les deux clous de cette programmation riche et raffinée : Women without men de l’Iranienne Shirin Neshat, Lion d’argent à Venise, et Le défi, comédie musicale vivifiante de la chorégraphe Blanca Li. Insoumission : le mot est lâché pour qualifier la richesse de ces parcours de femmes ici dévoilés.
Emmanuel Vigne
Films Femmes Méditerranée : jusqu’au 6/10 au Prado, à l’Alhambra et aux Variétés. Rens. www.films-femmes-med.org